Rééditions.
L’été et son vide éditorial finalement reposant permet aux uns et aux autres de rattraper le retard accumulé tout au long de l’année, ou mieux, de combler, peu à peu, les effrayantes lacunes de notre culture. Encore faut-il pouvoir mettre la main sur les grands classiques, parfois totalement épuisés, ou introuvables. Heureusement folio policier fait depuis quelques années un formidable boulot de réédition du fond.
Dans les derniers titres parus cela m’a permis, enfin, de lire James Hadley Chase, et de découvrir des Jim Thompson que je ne connaissais pas, moi qui croyais avoir tout lu de cet auteur génial.
Le Chase c’est le mythique Pas d’orchidées pour Miss Blandish, titre impossible à ignorer si on a pratiqué un tant soit peu la série noire, mais que je n’avais jamais lu. Certes le lecteur actuel qui lit cette histoire d’une belle héritière enlevée par une bande de malfrats bas de fronts et sadiques, peut avoir une impression de déjà vu, voire de clichés. Mais c’est justement que l’on a là, entre les mains, un des romans qui a donné le jour à ces clichés. Et un roman qui tient encore la route. Les affreux, malgré la surenchère que l’on a ensuite connue, sont particulièrement effrayants, et comme disait le grand Alfred, si le méchant est réussi, le film (ici le roman), fonctionne. A noter également réédités récemment, La chair de l’orchidée et Eva.
Du côté de Jim Thompson, mis à part l’incontournable 1275 âmes dont j’ai revu il y a peu l’excellente adaptation de Bertrand Tavernier (Coup de torchon), folio vient de rééditer quatre titres. Dont Eliminatoires, à la trame a priori archi classique : le pigeon parfait débarque dans une petite ville du Texas qui semble être sous la coupe d’un flic pas vraiment net. Il a beau sentir venir le coup fourré, il n’a pas le choix et accepte le poste de privé dans le seul hôtel de bled. Et le coup fourré arrive, bien entendu. Du pur Thompson, bien sombre, bien glauque, sans aucune illusion sur la nature humaine. Même en le connaissant bien, on est encore surpris par ses contre-pieds et ses fausses pistes. Le roman a également et surtout valeur de témoignage sur les mœurs et préjugés (raciaux et sexuels) d’une époque pas si lointaine qui paraissent pourtant d’un autre âge … A moins que certains ne soient en train de ressurgir.
Impossible de finir ce tour d’horizon trop rapide sans citer un roman de Charlie Williams que tout amateur de polar se doit d’avoir lu, et même relu, Fantasia chez les ploucs, réédité il y a déjà quelques années. Billy Noonan, sept ans, s’apprête à passer le plus fabuleux été de sa vie. Pop, son papa, a décidé de laisser tomber les champs de courses et d’aller à la ferme de l’oncle Sagamore. Une ferme où on ne travaille pas beaucoup la terre. Tonton Sagamore est la calamité du comté, le cauchemar du shérif, producteur de gnole en ces temps de prohibition, spécialiste en arnaques en tous genres, tout ça sous des dehors de plouc fini. Classique parmi les classiques du polar humoristique, il fonctionne sur le principe de l’anticipation : Le lecteur sent venir le coup. Il rigole par avance, puis il rigole quand ça arrive, et il se prépare déjà à rigoler de nouveau pour l’arnaque suivante. Du grand art, indispensable pour tout amateur de polar déjanté.
Egalement une excellente nouvelle chez Rivages, la réédition d’un roman introuvable de Donald Westlake, Adios Schéhérazade, ou les tribulations d’un auteur de romans pornos en panne d’inspiration. Dans les mains d’un autre cela pourrait être vulgaire, pathétique et racoleur, dans celle du génial inventeur de Dortmunder c’est un pur régal.
Pour folio policier, leur site web est superbe et propose, outre le catalogue et les prévisions de parutions, de nombreux portraits d’auteurs et des critiques de libraires, ou amis de libraires (comme ma pomme …).