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26 septembre 2007 3 26 /09 /septembre /2007 15:34

José Carlos Somoza sait parfaitement accrocher son lecteur, voici comment se termine le prologue de La théorie des cordes :

 

« De façon intuitive, elle conclut qu’il ne pouvait rien y avoir de pire que d’entendre ces hurlements d’âme torturée qui produisaient un écho en chaîne sans parvenir à voir qui les produisait.

 

Mais quand elle contempla enfin le visage de la personne qui criait, elle sut, avec une certitude absolue, qu’elle se trompait.

 

Il y avait bien pire que les cris. »

 

Et voilà comment commence le premier chapitre :

 

2015, banlieue de Madrid : « Exactement six minutes et treize secondes avant que sa vie ne fît une culbute horrible et définitive, Elisa Robledo se livrait à une activité banale : elle donnait à quinze élèves ingénieurs de deuxième année un cours facultatif sur les théories modernes de la physique. »

 

Dix ans auparavant, quelque part dans l’océan indien, Elisa fait partie de la crème de la science européenne réunie par un consortium d’intérêts privés dans le plus grand secret, avec des moyens quasi illimités. Leur but : mettre à l’épreuve les théories du génial David Blanes, physicien espagnol spécialiste de la théorie des cordes, qui est sur le point de pouvoir « ouvrir le temps » et voir le passé. Ils ne sont pas naïfs et se doutent bien que ceux qui les payent ne sont pas uniquement motivés par la connaissance pure. Mais ils sont loin d’imaginer l’horreur qu’ils vont déclencher, par hasard, un soir de typhon. Dix ans plus tard, ils sont dispersés, ne se parlent plus, et, malgré des cauchemars récurrents, semblent avoir oublié …

 

Ceux qui connaissent l’œuvre de cet auteur né à Cuba, mais qui a vécu toute sa vie en Espagne ne seront pas étonnés de le voir s’attaquer à un domaine nouveau pour lui : la physique théorique. Psychologue de formation, il publie quelques courts romans avant son premier grand succès international, La caverne aux idées, polar philosophique qui se déroule dans le Grèce de Platon. Suivront Clara et la pénombre qui explore un futur proche où les œuvres d’art sont constituées de personnes vivantes manipulées par les artistes, et  La dame N°13, roman fantastique, roman gore, où la poésie est l’arme suprême manipulée par les Dames …

 

Il s’attaque donc maintenant à la physique théorique. Il le fait au travers du même « subterfuge » que dans les romans précédents : l’intrusion de l’horreur dans le quotidien. Il le fait surtout avec le même talent, le même sens du suspense, et la même façon de creuser une idée jusque dans ses ultimes conséquences. Il le fait avec la même habileté diabolique, qui lui permet de retomber sur ses pattes de façon brillantissime, alors que le lecteur était persuadé qu’il ne peut plus se sortir de la situation invraisemblable où il a plongé ses personnages.

 

Les révélations sont distillées, au compte gouttes, laissant chaque fois autant de questions que de réponses, jusqu’à la révélation finale. Le lecteur est pris par son talent de conteur, et surtout par sa façon de cuisiner le thème archi classique … du serial killer (et oui, encore) à sa sauce, et de l’entremêler intimement avec d’autres mythes, d’autres thématiques, qui lui donne une saveur unique. Comme dans le roman précédent, c’est tellement bien fait que l’on oublie presque que peu d’auteurs assaillent le lecteur avec autant d’horreur et de gore, sans jamais provoquer le malaise ou la répulsion. Sans doute parce que c’est bien fait, et absolument nécessaire au déroulement de l’action, là où d’autres forcent sur une surenchère gratuite qui n’est là que « pour vendre ».

 

Du grand art, une fois de plus. Mais quel sera le prochain défi de José Carlos Somoza ?

 

Un élément de réponse pour les hispanophones sur son site web.

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commentaires

F
Je suis ravie de voir que tu as un blog : je te lisais avec plaisir du temps de Mauvais genres... Et je prends note du conseil que tu as donné à Yueyin!
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Y
Je cvais avoir peur c'est sûr mais c'est beaucoup trop tentant... un auteur qu'il me faut découvrir :-)
Répondre
J
Si tu ne connais pas, commence par le premier (la caverne des idées, chez babel), non pas qu'ils se suivent ils n'ont rien à voir les uns avec les autres, mais parce que c'est le moins effrayant, et, du point de vue de la construction, le plus bluffant.

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