J’ai un peu tardé à lire le dernier roman de Deon Meyer. Parce que j’étais débordé, parce que j’avais un peu peur d’être déçu … Et bien, contrairement à d’autres fans de cet auteur sud africain, j’ai été aussi emballé par 13 heures que par les précédents romans.
05h36, une jeune fille (on apprendra par la suite qu’elle est américaine) court sur les hauteurs du Cap pour sauver sa peau.
05h37 l’inspecteur Benny Griessel est réveillé par son collègue Vusi (Vusumuzi Ndabeni) : le corps d’une jeune fille a été trouvé, égorgée.
07h02 le corps sans vie (abattu de deux balles) de Adam Barnard est découvert dans son salon. Les cris de la bonne réveillent Alexandra Barnard, qui s’est endormie la veille dans un fauteuil complètement saoule, comme tous les soirs. Fransman Dekker (un métis) est en charge de l’affaire. Avec Vusi il fait partie du groupe de jeunes recrues que Benny doit former sur le terrain.
La journée ne fait que commencer pour Benny Griessel. Elle va être éprouvante. D’autant que le soir, à 19h00, il doit revoir sa femme après six mois de séparation. Six mois pendant lesquels il a réussi à ne pas boire une goutte d’alcool.
On retrouve dans ce thriller lancé à toute allure Benny Griessel, flic alcoolique déjà protagoniste du Pic du Diable. Unité de temps (13 heures), unité de lieu (Le Cap), Deon Meyer restreint son champ par rapport à ses polars précédents, mais ne restreint en rien son talent.
La première impression, presque physique, c’est le rythme, la vitesse, l’efficacité absolue. Impossible de lâcher le bouquin, surtout passé la moitié quand la course contre la montre est clairement lancée. Cela paraît banal, et on peut lire la même chose de pas mal de thrillers tout venant publiés ici et là. Détrompez-vous, c’est du grand art, du millimétré. Avec cette trouvaille géniale de faire du protagoniste principal un « mentor » obligé de courir pendant tout le roman d’une affaire à l’autre, d’une urgence à l’autre. Je vous promets qu’on referme le bouquin aussi fatigués que Benny !
Mais ce n’est pas tout. Deon Meyer ne se « contente pas » d’écrire un thriller de plus, aussi efficace soit-il. Les personnages sont parfaitement définis, touchants dans leurs faiblesses, leurs peurs, leurs failles, mais aussi leur honneur et leur dignité. La ville du Cap magnifiquement décrite, bien plus que dans les précédents romans qui couvraient (du moins pour les trois derniers) tout le pays.
J’ai pu lire que Deon Meyer avait sacrifié le côté « sociologique » de ses romans précédents au profit d’un pur thriller. Je ne suis pas d’accord. Ce que l’auteur ne fait pas ici, contrairement aux romans précédents, c’est faire remonter les racines du mal à l’histoire du pays, à l’époque de l’apartheid. Mais, tout comme dans les précédents, quand on prend le temps de réfléchir à tête reposée (c'est-à-dire après avoir compulsivement tourné les pages jusqu’à la dernière) on s’aperçoit qu’une fois de plus, en toile de fond, on a toute la situation sociologique d’un pays qui continue, vaille que vaille, sa reconstruction au sein d’un continent écrasé de pauvreté.
C’est peut-être moins mis en avant que précédemment, mais c’est là, bien présent. Non décidément, toujours aussi fort ce Deon Meyer.
Deon Meyer / 13 heures (13 UUR, 2008), Seuil/Policiers (2010), Traduit de l’anglais (Afrique du Sud) par Estelle Roudet.