Il est rare de lire des polars australiens, depuis que l’on n’a plus de nouvelles de Cliff Hardy, le privé dur à cuire de Peter Corris. Séquelles, le premier roman de l’australien Peter Temple est donc le bienvenu.
Après une arrestation qui a tourné au drame Joe Cashin a quitté la criminelle de Melbourne pour retourner s’enterrer dans le bled de province où il retape la maison d’un oncle. L’automne est bien avancé quand son quotidien est bouleversé par la mort d’un notable local, tabassé à mort dans sa luxueuse villa. L’enquête désigne très vite trois jeunes aborigènes comme les coupables bien pratiques. Quand ils sont abattus lors de leur arrestation par la police locale, l’affaire prend une ampleur nationale. De son côté, Joe Cashin n’est pas convaincu, et reste persuadé que l’enquête a été bâclée.
Soleil, surf et athlètes bronzés aux dents éclatantes. C’est ça l’Australie non ? Pas vraiment à en croire Peter Temple. Chez lui ce serait plutôt pluie, corruption et racisme.
Du côté de Cromarty, dans le sud du pays (n’oublions pas qu’en Australie, le sud, c’est là qu’il fait froid), l’automne est venté, froid et pluvieux, la bourgeoisie locale fait … la pluie et le beau temps, et il ne fait pas bon être noir, cultivé ou homosexuel (sans parler de ceux qui ont le malheur de cumuler les « tares »). La police et la population sont ouvertement racistes, et les jeunes aborigènes, déjà décimés par le chômage et la drogue meurent plus qu’ailleurs en détention, dans l’indifférence générale.
Il faut accepter de prendre son temps avec Joe Cashin, le suivre les balades de son personnage à travers des landes que l’on verrait plutôt en Irlande qu’en Australie, vivre au rythme de son blues et de ses douleurs de dos, accepter de se laisser engluer dans la somnolence de cette petite ville de province un rien arriérée. Le tableau est sombre, désespérant, le racisme, l’intolérance, la fermeture d’esprit pèsent autant sur l’atmosphère que le plafond de nuages bas. Ce qui n’empêche pas quelques accélérations brutales et sanglantes … Au final, un roman bien noir, auquel des dialogues très hard-boiled viennent heureusement ajouter de temps en temps un légère touche d’humour.
Peter Temple / Séquelles (Série noire, 2008)