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9 avril 2008 3 09 /04 /avril /2008 09:07

« Selon que vous serez puissant ou misérable,
Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir.
 »

Les animaux malades de la peste, Jean de la Fontaine.

Illustration par l’exemple : Les yeux fermés, de Gianrico Carofiglio. Heureusement, il y a Guido Guerrieri.

On pouvait, à la lecture de l’excellent Témoin involontaire de Gianrico Carofiglio se demander si l’on avait là l’auteur d’un seul roman, ou si l’on tenait un nouveau grand nom du polar italien. Avec Les yeux fermés, on sait. On tient un grand.

 

Guido Guerrieri est avocat à Bari. Le revoici, embringué dans un procès dont personne ne veut. Il s’agit cette fois d’assister une jeune femme qui accuse son ancien amant de violence et de harcèlement. Un procès difficile dans la mesure où, au final, c’est la parole de l’un contre celle de l’autre. Un procès d’autant plus difficile que la jeune femme est seule, pauvre et anonyme, alors que l’accusé est bien connu du tout Bari, riche, influant, et pour comble, fils d’un des magistrats les plus puissants du parquet. Deux avocats se sont déjà désistés, en invoquant des excuses bidons. Mais pas Guido ! Il a beau savoir qu’il fait une énorme connerie, ce ne sera ni la première, ni la dernière.

 

Malgré un contexte très sombre, qui mêle pédophilie, violences faites aux femmes, et inégalité du système judiciaire italien (grâce à Hannelore Cayre, nous savons que le système judiciaire français, lui, est parfait), Guido arrive à vaincre sa déprime, et à nous faire rire. Gianrico Carofiglio est aussi touchant quand il décrit les souffrances et les doutes de Guido et de ses clients, qu’impitoyable et drôle quand il croque les travers de nos contemporains (et les nôtres par la même occasion).

Il réussit le tour de force de construire un suspense tendu, faisant monter imperceptiblement la tension jusqu’au début du procès, tout en prenant le temps de faire vivre son personnage. Une soirée hilarante chez des bobos new age (l’improvisation d’un Guido bourré sur l’ésotérisme druidique vaut son pesant d’encens), la mélancolie des souvenirs de jeunesse, des déambulations dans une librairie ou chez un disquaire … Autant de scènes, très bien écrites, qui donnent de l’épaisseur et de la vie aux personnages et accrochent le lecteur.

Mais attention, après ces moments de détente, le lecteur s’angoisse de nouveau, tremble, et tourne fébrilement les pages, scotché, pendant les scènes de tribunal, jusqu’au final. Du grand art, au service d’un discours humaniste, et servi par des personnages extraordinaires. Tout pour plaire.

Petit détail. Il n’est pas indispensable d’avoir lu le premier, Témoin involontaire, pour lire celui-ci. Il serait cependant dommage de se priver du plaisir de voir évoluer Guido, et de comprendre certaines allusions.

Gianrico Carofiglio / Les yeux fermés (Ad occhi chiusi, 2003). Rivages/Thriller (2008). Traduit de l’Italien par Claude Sophie Mazéas.

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commentaires

G
<br /> <br /> j'ai enfin pris le temps de lire ce roman ! très belle surprise et bien content d'en avoir d'autres à lire de cet écrivain. Je rejoins ton avis entièrement !<br /> <br /> <br /> <br />
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J
<br /> <br /> C'est effectivement un auteur très fin qui, pour l'instant, ne m'a jamais déçu.<br /> <br /> <br /> <br />

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