Une petite précision. Je ne sais pas si Filles Perdues d’Alan Moore et Melinda Gebbie est érotique ou pornographique. Si ce qui différencie l’un de l’autre est le talent et l’absence de vulgarité, il est sans conteste érotique. Si c’est le caractère explicite ou suggéré des scènes dessinées et écrites, il est pornographique.
Tout le monde connaît Alice, Wendy et Dorothée. Plus ou moins, tout le monde les connaît. Vous aussi. Alice, est celle du Pays des merveilles ; Wendy la copine de Peter Pan ; Dorothée vient du Kansas, et a fait un fabuleux voyage au pays du Magicien d’Oz. C’est du moins ce que l’on nous a toujours dit. Mais Alan Moore raconte une toute autre histoire. A la veille de la première guerre mondiale, elles se retrouvent, par hasard, dans un hôtel luxueux et décadent quelque part en
Comme toujours avec les BD d’Alan Moore, c’est pour lui que j’ai acheté Filles Perdues, pas pour la dessinatrice. Mais comme toujours, elle est très bien choisie par le maître, et le dessin colle parfaitement au propos. Alan Moore est un génie, il transforme en chef-d’oeuvre tout ce qu’il touche : Les histoires de super-héros avec les Watchmen (traduit par un certain Manchette), Jack l’éventreur avec From Hell, il recycle de façon époustouflante la littérature populaire du XIX° et début XX° avec La ligue des gentlemen extraordinaires, mixe les supers-héros et la littérature policière procédurale à la McBain dans Top Ten, écrit un magistral appel à la lutte contre le totalitarisme et a connerie dans V, pour Vendetta …
Moore étant Moore, si le début de l’album est plutôt rose, il va peu à peu vers le noir, le sombre, le rouge sang. L’éblouissement de la découverte de la sexualité, uniquement source de joie, tourne petit à petit au drame, avec l’arrivée des désillusions, de la dépendance, de la prise de conscience d’une certaine aliénation, ou de son exploitation commerciale. Avant que nos trois héroïnes ne se réconcilient finalement avec elles-mêmes, au moment où l’Europe plonge dans l’horreur (je rappelle que nous sommes en 14).
Le résultat est intelligent, excitant, bandant (ben oui, aussi), émouvant, éprouvant, déstabilisant … passionnant.
Melinda Gebbie et Alan Moore / Filles perdues (Lost girls) Delcourt (2008).
PS. Via les moteurs de recherche, ce billet va certainement faire atterrir sur mon blog des internautes à la recherche de tout autre chose. C’est plutôt rigolo, et ça ne fera de mal à personne. Bonjour à vous, profitez-en pour faire un tour, et qui sait, trouver des idées de lecture.