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2 mai 2008 5 02 /05 /mai /2008 13:49

« Aux premières heures d’une paisible nuit d’été, le quartier vivait sans broncher la routine de ses vieilles constructions et de se rues plongées dans la pénombre. Une frange bleue se reflétait sur les courbes lointaines de la cordillère des Andes, refusant de suivre le soleil dans sa mort quotidienne. »

 

Ainsi débute La couleur de la peau, le quatrième volume consacré aux aventures d’Heredia, privé mélancolique de Santiago du Chili né sous la plume de Ramon Diaz-Eterovic. Quatrième volume en France, qui a commencé les traductions avec Les sept fils de Simenon, qui n’est pas le premier de la série au Chili.

 

Heredia promène son blues de cinquantenaire dans les rues de sa ville. Il est de nouveau seul avec Simenon, son chat. Il est contacté par un immigré péruvien qui recherche son frère, disparu depuis plusieurs jours. Pour le retrouver, Heredia va devoir se plonger dans le monde des immigrés, des clodos et des artistes de rue. Un monde âpre, rude, fait de peines et de désillusions.

Avis aux amateurs : Ceux qui cherchent une intrigue serrée, de l'action, des pages qui tournent toutes seules peuvent passer leur chemin. Heredia passe plus de temps à boire dans les bars, à se rappeler le quartier populaire d'antan, à discuter avec son chat, ou à écouter des tangos ou du Malher qu'à se battre avec des méchants. Heredia aime la poésie, les souvenirs, les vieux bars, les tangos, et bien entendu, Simenon. Heredia aime aussi traîner la nuit, boire (parfois trop), en sentir les pulsations de sa ville, et surtout de ses quartiers préférés.

Ce qui ne l'empêche pas d'être opiniâtre. A force de questions, il finit toujours par trouver. La plupart du temps sans trop de violence. Cette nouvelle enquête l'amène à connaître le monde misérable des immigrés clandestins, exploités, méprisés, haïs, accusés de tous les maux … Triste constatation de l'universalité de la nature humaine. Au Chili comme ailleurs, il est toujours rassurant d’avoir un autre à traiter comme un chien, un autre à désigner comme inférieur, un autre sur lequel rejeter la faute de ses propres échecs. Au Chili, cet autre est péruvien.

Voilà donc un beau roman noir mélancolique, désabusé mais jamais résigné. Car Heredia, comme son auteur, tout déprimé qu'il soit, ne renonce jamais à ses idéaux, et garde entière sa capacité d'indignation.

Prochainement, ici même, l’interview que j’avais réalisée en 2004 à l’occasion de la publication d’un dossier polar latino-américain pour le revue 813. Cette interview avait également été mise en ligne sur le site mauvaisgenres, et se trouve encore sur celui de bibliosurf.

Ramon Diaz-Eterovic / La couleur de la peau  (El color de la piel, 2003). Métailié/Noir (2008). Traduit de l’espagnol (Chili) par Bertille Hausberg.

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commentaires

A
Beaucoup aimé les autres romans de la série..
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R
il est dans ma pile à lire suite à échange, je pense qu'il va monter très vite sur le dessus<br /> merci encore une fois ! j'ai imprimé l'interview pour lire calmement
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J
<br /> Ramon Diaz Eterovic mérite d'être découvert. Et si ça peut inciter Métailié à poursuivre ses traductions ...<br /> <br /> <br />
K
Cet auteur me tente bien, et puis ça changerait des polars nordiques ! ;-)
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G
Votre critique donne envie de le lire : une intrigue peu serrée, pas trop d'action, des pages qui tournent pesamment, ça existe donc encore ! Un héros qui boit dans les bars, qui discute avec son chat, ou qui écoute des tangos, c'est tout ce que j'aime. Merci pour cette découverte. Vous mentionnez le Péruvien comme le "subalterne qu'il faut détester" au Chili. C'est peut-être un lapsus ? Je croyais que c'était le Bolivien. <br /> Mais vous l'avez lu, et moi pas, vous devez savoir.
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J
<br /> Ce n'est pas un lapsus, ce sont bien des péruviens. C'est vrai qu'en Argentine les parias sont plutôt boliviens, mais là, ce sont bien des péruviens.<br /> <br /> <br />

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