Voilà, ça devait arriver. C’est arrivé. J’ai été déçu par un roman de Pelecanos. Attention, relativement déçu, déçu parce que j’en attends beaucoup. Mais c’est arrivé, avec Les jardins de la mort.
1985. Le tueur au palindrome sévit à Washington, assassinant des adolescents dans les jardins. Gus Ramone et Doc Holiday, deux jeunes flics sont sur place, pour maintenir l’ordre. L’enquête est dirigée par T. C. Cook, une légendes dans le service. Les meurtres s’arrêtent seuls sans que le coupable ait été arrêté. Vingt ans plus tard, Cook est à la retraite, mais n’a jamais oublié l’affaire. Gus est toujours dans la police, au service des homicides. Doc a démissionné avant d’être mis en cause par une enquête des affaires internes. Il a monté un service de limousines. Quand le corps d’Asa est retrouvé dans un jardin, tué d’une balle dans tête, les trois hommes, chacun à sa façon, vont reprendre l’enquête.
Pelecanos continue sa chronique des quartiers populaires de Washington. Ses héros, qu’ils soient flics, privés ou anciens taulards en cours de réinsertion sont toujours des gens ordinaires, se débattant avec les problèmes ordinaires : Comment boucler les fins de mois, comment élever ses gamins sans les étouffer et en les empêchant de tomber dans la drogue ou la délinquance, comment résister au racisme, à l’intolérance, que faire face à la paupérisation et à la violence de certains quartiers … Son style est le même : sec, efficace, rythmé comme (et par) les morceaux qu’écoutent ses personnages. Si l’on veut connaître, un jour, la vie quotidienne à Washington, en dehors du strass et des paillettes médiatiques du monde politique il suffira de lire, ou relire, Pelecanos. Tout y est.
Malgré tout, ce nouveau roman est moins réussi que les autres. Peut-être parce que, prenant le risque de changer, une de fois de plus, de personnages alors même que les précédents « fonctionnaient » parfaitement, il n’a pas réussi à donner la même épaisseur à ces trois nouveaux venus. Peut-être parce qu’il y a moins d’intensité dans l’intrigue. Sans doute aussi parce qu’il est difficile de se maintenir toujours au niveau d’excellence qui est le sien. Parce que personne, même pas lui, ne peut écrire uniquement des romans ayant la force et l’impact de Un nommé Peter Karras, Hard Revolution, Soul circus ou Anacostia river blues.
Une petite baisse de régime donc, mais un polar qui se lit quand même avec plaisir et intérêt. C’est juste qu’à cause de son talent, on attend beaucoup plus de George Pelecanos. Comme disait Desproges, on ne peut être déçu que par ses amis.
George Pelecanos / Les jardins de la mort (The night gardener, 2006) Seuil/Policiers (2008). Traduit de l’américain par Etienne Menanteau.