« Angie James était gravement dérangée. »
Malheureusement pour Roberts et ses collègues, elle s’est associée à deux truands sans envergure et a décidé d’extorquer du fric à leur commissariat. Résultat, des bombes commencent à exploser tout autour, et pour mener l’enquête Roberts a l’embarras du choix : l’agent Falls qui tente d’oublier ses problèmes dans la vodka ; l’inspecteur Porter Nash qui a des problèmes de santé ; l’agent McDonald qui fait toujours preuve d’une bêtise affligeante … Ou il plonge dans l’inconnu, l’imprévisible, avec Brant. Bref, Angie n’a pas finit de faire tourner la police londonienne en bourrique, et forcément, Brant va rentrer dans la danse.
Ceux qui n’aiment pas la série R&B n’aimeront pas, les autres adoreront, c’est du R&B pur jus. Pour ma part, j’ai choisi mon camp, j’adore ça. C’est réjouissant, méchant, allumé et totalement incorrect. On le lit d’une traite, et on ne s’aperçoit qu’à la fin que Ken Bruen accumuler les clichés pour mieux s’en amuser. Jugez plutôt, ne serait-ce que la composition de l’équipe de flics :
Roberts a des problèmes de relations avec un chef obtus. Il y a un homosexuel, une noire (ce qui permet de rassembler en un personnage la femme et le représentant d’une minorité), un imbécile, une nouvelle recrue. Impossible de faire plus cliché. Mais il y a aussi le bâton de dynamite : Brant. Qui déteint sur les autres, et finit par rendre tout le monde complètement cinglé.
Du coup chez Bruen les relations entre la police et les civils sont tout sauf consensuelles. Voilà ce que Falls, qui s’aperçoit avec horreur qu’elle ressemble de plus en plus à Brant, pense de tous ceux qui ne sont pas flics :
« - Ses intentions étaient peut-être bonnes.
- Il fait partie de la population … Elle n’a jamais de bonnes intentions. »
Et quand ladite population se trouve en contact avec cette équipe de branques, la réaction est la suivante :
« - Si ce sont les bons, puisse Dieu nous venir en aide »
Le lecteur sait, lui, que face à Brant et sa bande, personne ne peut leur venir en aide !
Une fois de plus donc Ken Bruen, tout en respectant à lettre les codes du roman procédural tel que l’a « inventé » le génial Ed McBain, et tel que l’ont ressassé jusqu’à la nausée les copieurs sans talent et les scénaristes de séries télé sans imagination, dynamite le genre (l’expression est particulièrement adapté pour cet opus), pour mieux le prendre à son compte et lui rendre le plus bel hommage qui soit.
Car si les enquêtes sont souvent minces, et ne doivent leur résolution qu’à la bêtise des truands qui, miraculeusement, surpasse celle des policiers, si l’on rit beaucoup, si l’on a l’impression de ne lire qu’une farce, on s’aperçoit, peu à peu que, comme chez son grand inspirateur, les personnages prennent de l’épaisseur, gagnent en humanité et en noirceur et que la tragédie s’invite, l’air de rien, dans cette comédie loufoque.
Ken Bruen est grand, Brant est son prophète.
Ken Bruen / Vixen (Vixen, 2003) série noire (2008). Traduit de l’anglais (Irlande) par Daniel Lemoine.