Allant au cinéma dans les petits cinés de village tendance Art et essai plutôt que dans les supermarchés à pop-corn et coca cola, je vois souvent les films après tout le monde (quand je les vois). Tout ça pour dire que ce petit billet risque d’arriver un peu tard pour recommander d’aller voir La Zona, excellent film mexicain très noir de Rodrigo Plá.
La Zona, contrairement à ce que l’on pourrait croire, n’est pas la zone, mais un lotissement fermé, très fermé, surveillé, très surveillé, et défendu, très défendu, dans lequel les riches se réfugient pour échapper à la violence, la crasse, la misère et la pauvreté, qu’entre parenthèse ils ont fortement contribué à générer, fermons la parenthèse, ce n’est pas le propos du film. Dehors c’est gris, entassé, bordélique, crade et pauvre … Dedans c’est carré, verdoyant, rangé, net et riche …
Jusqu’au soir où, lors d’un orage, un panneau publicitaire tombe sur le mur, créant une brèche et coupant l’alimentation électrique. Trois gamins qui traînaient en profitent pour rentrer et cambrioler la maison la plus proche. Malheureusement elle n’est pas vide. La propriétaire est tuée, et dans la panique qui suit, deux gamins sont abattus, un garde descendu par erreur par un résident, et le troisième larron arrive à se planquer dans le lotissement. Le conseil d’administration décide alors de cacher les événements pour que la police (et donc l’extérieur honnis) ne vienne pas mettre son nez dans le quartier. Pour qu’il n’y ait pas de fuite, ils décident également de traquer puis d’éliminer le survivant. Et gare à ceux qui ne seraient pas d’accord avec cette décision, prise à la majorité des voix … La suite est encore plus glaçante, sombre et désespérante que ce que l’on peut alors craindre.
Commençons par le minimum syndical : L’histoire est très habilement contée, le suspense parfaitement maîtrisé (même si l’on se doute bien que cela ne finira pas bien) et tous les acteurs jouent très bien. La zona est bien filmée, et les quelques rares images extérieures rendent parfaitement l’ahurissant contraste entre dedans et dehors. Ne serait-ce que pour cela, c’est déjà un excellent film noir.
J’ai pu lire ici ou là, des critiques présentant ce film comme d’une œuvre d’anticipation. Il se passe aujourd’hui. Il existe un peu partout en Amérique latine des quartier comme celui du film. Avec grilles dignes d’une base de l’armée américaine, caméras et gardes armés. Il commence à en exister en France, sans toutefois les gardes armés. Pour l’instant.
Au-delà de la réalité sociale qu’il décrit, le film est également extrêmement intéressant dans sa description de l’engrenage qui, partant de la peur de l’autre (un autre oppressé politiquement et économiquement et qui a donc des raisons objectives de ne pas être aimable) glisse vers une société policée, milicée, fermée. Comment cet engrenage créé des ghettos d’un nouveau genre, dorés certes, confortables certes, mais tout aussi emprisonnant que ceux des pauvres. Et comment surtout, malgré, ou à cause de toutes ses mesures, la peur loin de disparaître ne fait qu’augmenter.
Un film à voir, et à méditer …