Pas besoin de traduire le titre ? Même pour les non hispanophones ? Si ? Le problème c’est qu’en français ce dicton espagnol ne « fonctionne » pas. Il donne quand même quelque chose comme : petit village, grand enfer.
Loma Grande est un trou paumé quelque part au fin fond de la campagne mexicaine. Un trou où tout le monde se connaît et sur lequel le temps en semble pas avoir de prise. Un matin on trouve en limite d’un champ, le corps d’Adela, nue, poignardée dans le dos. Adela vient d’arriver au village avec ses parents. Ramón qui tient l’épicerie/bar ne l’a vue qu’une dizaine de fois, et n’a pas échangé plus de vingt mots avec elle. Pourtant, son hébétude devant le cadavre fait naître la rumeur, qui devient rapidement information et certitude : Adela était sa fiancée. Et son corollaire, il doit la venger. Parce qu’on ne discute avec ces choses là à Loma Grande. La rumeur, toujours elle, trouve rapidement un coupable facile : le Gitan, qui vient une fois par mois vendre sa marchandise à Loma Grande. Ca y est, tout est réglé, certains ont beau savoir que tout cela est faux, Ramón devra tuer le Gitan.
Variations sur le thème de la chronique d’une mort annoncée. Guillermo Arriaga connu pour ses scénarii alambiqués (Amours chiennes, Babel et 21 grammes d’Alejandro González Inárritu entre autres) livre ici un récit limpide, d’une grande simplicité de construction. Un récit à l’humour léger et très noir, un récit également implacable et qui ne cède à aucune facilité.
« Le pluriel ne vaut rien à l'homme et sitôt qu'on / Est plus de quatre on est une bande de cons. » Disait Brassens. Arriaga ne lui donne pas tord. Quelques dialogues, la pression sociale de tout un village et le piège se referme inexorablement sur le pauvre Ramón. Quelques dialogues de plus, quelques murmures anonymes, et le coupable est trouvé. Il ne reste plus à la « bande de cons », réunis pour s’imbiber dans le bar de Ramón, qu’à se faire mousser, à faire monter la mayonnaise à base de « fierté virile » et de vantardises à la testostérone pour que la cause soit entendue.
C’est écrit de façon intelligente, subtilement ironique, et dresse le portrait implacable d’un village accablé par la corruption de la police, la lâcheté des rares qui restent lucides, et le poids implacable de traditions imbéciles.
Pueblo chico, infierno grande.
Guillermo Arriaga / Un doux parfum de mort (Un dulce olor de muerte, 1994), points/Roman noir (2008). Traduction de l’espagnol (Mexique) par François Gaudry.