Amis des vieilles dames anglaises douillettement installées autour d’une tasse de thé, de la dentelle et de la broderie, ou des considérations poétiques sur les vertus de la première gorgée de camomille ce livre n’est pas pour vous. Passez donc votre chemin. Une saison de scorpions de Bernardo Fernandez, c’est Tarantino au pays de Taibo II. Allumé, excessif, baroque, violent, déjanté … Jouissif. Visite guidée :
El Güero n’est pas un client facile. Tour à tour garde du corps, trafiquant, militaire … il est maintenant tueur à gage mais songe à prendre sa retraite. El Señor, un des narcos les plus puissants du nord du Mexique, qui purge une peine de prison très symbolique le contacte pour lui confier un dernier boulot : Effacer une balance, protégé par la police, qui pourrait lui causer du tord. Rien de bien compliqué. Mais voila qu’el Güero faiblit, faillit, et refuse, au dernier moment, d’abattre un brave père de famille. Il s’engage alors à rendre l’argent perçu. Manque de chance, il est pris à otage par deux gamins au cerveau cramé par la drogue lors du braquage de la banque où il se trouve pour faire le virement. Rien de très grave, si ce n’est qu’El Señor croit alors qu’il l’a doublé, et que la police recherche ces braqueurs qui osent braconner sur ses terres. Les meutes se lancent à leurs trousse, de graves perturbations sont à prévoir au point de rencontre …
Bernardo Fernandez, de toute évidence, a vu les films de Tarantino. Son roman complètement allumé dégage la même énergie que les films du cinéaste, ses personnages sont aussi cinglés, mais la vitesse, la folie et la style arrivent à tout faire passer, comme un cyclone, et avec le sourire.
Mais attention, sous ses dehors foutraques, ce roman est aussi sacrément construit. Fernandez est mexicain, comme le grand Paco Ignacio Taibo II. Il maîtrise parfaitement une construction éclatée entre les différents personnages, avec récits, témoignages présents ou passés qui reviennent sur la personnalité d’El Güero, articles de presse … Tout cela convergeant avec une facilité apparente digne du maître vers l’explosion finale.
En filigrane on obtient, pour le même prix, le portrait éclaté (comme la tronche de la plupart des protagonistes !) d’un Mexique bouffé par la corruption et la violence, où la police et les truands sont en concurrence, et où les narcos font la pluie et le beau temps.
Et voilà donc comment on s’instruit tout en s’amusant.
Bernardo Fernandez / Une saison de scorpions (Tiempo de alacranes), Moisson rouge (2008). Traduction du mexicain par Claude de Frayssinet.