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23 juin 2008 1 23 /06 /juin /2008 20:38

Les lecteurs de polars français ont décidément bien de la chance. Avec Rivages noir, et Folio policier, ils ont deux maisons qui font un excellent travail de fond, dans tous les sens du terme. J’ai parlé il y a peu des rééditions des romans de Donald Westlake, ainsi que des westerns d’Elmore Leonard par Rivages.

Folio de son côté sort un volume rassemblant les enquêtes du Commissaire Llob de Yasmina Khadra. La part du mort, Morituri, Double blanc et L’automne des chimères, rassemblés en un volume, avec en prime une préface inédite de l’auteur. Détail, le tout pour moins de 11 euros, pas d’excuses donc pour passer à côté. L’occasion pour ceux qui ne connaissent pas de découvrir cet auteur majeur ; pour les autres d’avoir en un volume des romans qu’ils ont peut-être lus en bibliothèque, ou perdus, ou prêtés …

 

Pour ceux qui ne connaîtraient pas, voici deux petites notes sur les romans qui encadrent la quadrilogie :

 

La part du mort se situe avant la trilogie qui l'avait fait connaître du public. Le commissaire Llob est alerté par un de ses amis, un éminent psychiatre qui a subi les foudres du régime et se retrouve maintenant au placard : Un de ses anciens patients, psychopathe particulièrement dangereux, doit être libéré prochainement lors d'une grâce présidentielle. Il a essayé d'avertir les autorités, mais n'a pas été entendu. Llob n'a pas plus de chance que lui. Dans le même temps, son bras droit, Lino, est tombé follement amoureux d'une belle qui l'amène à négliger son boulot. Une belle qui n'est pas de son monde se qui amène de hauts et importants personnages à faire pression sur Llob pour qu'il persuade son lieutenant d'arrêter les frais. Bien entendu Llob n'en fait rien. Et puis tout s'accélère, un caïd est visé par un assassinat, Lino est soupçonné, puis le cadavre du psychopathe apparaît. Llob n'a plus qu'un solution, enquêter sur le passé du tueur, ce qui va l'amener à faire remonter de bien sordides histoires.

Llob est déjà en froid avec sa hiérarchie et les autorités du pays, mais les islamistes, au cœur de la trilogie à venir, n'ont pas encore commencé à faire régner la terreur. Ce roman montre justement comment se mettent place les conditions de la montée de l'islamisme, et du déchaînement de violence qui va suivre. Il permet également à Khadra de parler d'une époque peu glorieuse pour son pays : celle des vengeances sur les harkis, et comment certains, partisans de dernière heure, en ont profité pour régler des comptes. Une période glorieuse, qui a sa part d’ombres dans un parallèle étonnant avec la Libération en France … Un grand roman, dur, sombre et émouvant, émaillé de ci de là par les traits d'humour grinçant de Llob, et de superbes pages enthousiastes sur les beauté de l'Algérie, malgré tout.

 

A l’autre bout, dans l’automne des chimères, le commissaire Llob est dans la merde. Encore plus que d'habitude, ce qui n'est pas peu dire quand on est un flic intègre et incorruptible dans l'Algérie des années 90. Il est dans la merde, parce que son roman Morituri qui dénonce les responsables de magouilles, corruptions, et manipulations de massacres de civils n'a pas plu aux autorités. Pressions, chantage, tentative de corruption, menaces plus ou moins voilées, rien n'y fait, il ne reniera pas son oeuvre. Il profite de son renvoi de la police pour retourner dans son bled, ou le frère d'un de ses amis a été assassiné par les intégristes. Là-bas la situation et encore plus dramatique et angoissante qu'à Alger.

Ce dernier roman n'est pas à proprement parler un polar. Pas d'enquête, pas de suspens, le commissaire est mis à la retraite forcée, il en profite pour revenir sur son histoire. Souvenirs du bled, souvenir de son arrivée à Alger, et un découragement de plus en plus profond. Les ripoux sont les maîtres absolus, rien ne peut les arrêter, ils n'ont honte de rien, et paradent, commandent, ont droit de vie ou de mort sur le reste de la population. Un roman sombre où aucune lueur ne vient éclaircir un tableau désespéré, sauf peut-être l'amitié et le support discret de quelques amis. Mais Llob est maintenant un homme fatigué, qui a renoncé à continuer à se battre, et qui ne résoudra plus aucune énigme, n'arrêtera plus personne. Superbe conclusion pour cette réédition indispensable.

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commentaires

V
Quand cette réédition est sortie, j'ai fait un article sur chacun des quatre romans... Et aujourd'hui, j'ai ajouté à ma rubrique livre et lecture ce que le jour doit à la nuit, sorti fin août... Je l'ai dévoré!
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C
Et avec cette réédition, je découvre que la trilogie que j'ai lue... est une quadrilogie... Me reste donc à lire "La part du mort" !
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R
Les seuls Yasmina Khadra que j'ai lus !! avant qu'il ne passe à un autre style que j'ai plus de mal à accepter ; peut-être parce qu'il y parlait de chez moi en osant dire des choses que d'habitude on tait... et à l'époque c'était d'autant plus fort que l'on pensait que cette écriture était celle d'une femme...
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