Bastien Bonnefous, sur polar blog, m’a devancé, et a utilisé le titre que j’aurais aimé trouver : Finir ou ne pas commencer, pour chroniquer le dernier roman de Fred Vargas. Cette phrase, qui revient plusieurs fois dans le roman, est, comme il le dit très bien, caractéristique de Fred Vargas, et de ses romans. Allez-y voir. Revenons à ce lieu incertain …
17 chaussures, 8 paires et demi, avec 17 pieds, coupés à la cheville, déposés à Highgate, cimetière londonien à la sinistre réputation. Le corps de Pierre Vaudel, tué puis découpé, écrabouillé, éparpillé dans tout son salon à Garches, en banlieue parisienne. Des erreurs stupides et répétées qui plombent l’enquête. L’impression que quelqu’un cherche à la piéger ... Voilà le départ de la nouvelle aventure d’Adamsberg, une aventure qui va le mener de Londres en Serbie, et qui plonge ses racines au coeur d’un bien sombre tunnel, là-bas, il y a longtemps ...
Enfin, enfin, voilà le nouveau Fred Vargas, avec toute sa clique, Adamsberg, Danglard et les autres. Au moment où l’Europe se ferme, se solidifie, Adamsberg qui n’aime rien tant que le mouvement, voyage. Dans le temps et dans l’espace. Il est cette fois confronté au mythe du vampire, qui lui fait nettement moins peur que ... la paternité.
Vous lirez sans doute ici ou là qu’avec cette nouvelle histoire, Fred Vargas refait du Fred Vargas. C’est vrai. Comme Westlake fait du Westlake, ou McBain fait du McBain ... Donc Fred Vargas fait du Fred Vargas. Ce qui veut dire plaisir assuré, agitation des neurones, excitation des zygomatiques, et risques de se coucher tard.
On dit aussi que Fred Vargas est trop gentille, trop consensuelle … Peut-être, quoique. Fred Vargas a un style unique, reconnaissable entre mille, poétique, qui enrobe ses histoires et leur donne une coloration souriante qui fait passer la pilule. Mais si on y réfléchit bien, elle dit des choses pas si gentilles que ça sur la politique européenne en matière d’immigration, sur le besoin des sociétés de se trouver des boucs émissaires, sur nos peurs irrationnelles, sur la transformation d’une foule en bête immonde …
Certes les romans de Fred Vargas finissent en général bien, et, même quand elle le met dans des situations impossibles, on tremble rarement pour Adamsberg, parce qu’on sait qu’il s’en sortira. Mais j’ai gardé un peu du gamin en moi qui, bien qu’il sache que tout ira bien à la fin, fait semblant d’avoir peur, pour le plaisir.
Et puis, quel talent de conteuse ! Elle vous accroche dès les premières pages avec ses petits et grands mystères impossibles, inimaginables ailleurs que chez elle, et ne vous laisse aucun autre choix que celui de la suivre, jusqu’au bout, souvent sans dormir. Et elle vous offre sa galerie de personnages invraisemblables, Adamsberg pelleteur de nuages, un flic qui parle en alexandrins, une autre qui nourrit toute la brigade, un troisième qui est un vrai puits de science … Ceux là, comme les mystères de Fred, on ne les trouve nulle part ailleurs.
Fred Vargas est unique, inimitable, immédiatement reconnaissable, égale à elle-même. Et je ne saurais, comme beaucoup de lecteurs, la remercier assez pour les moments de bonheur qu’elle nous offre.
Mais attention lecteur, avec Fred Vargas, c’est finir ou ne pas commencer. Alors quand on commence son nouveau roman, on n’a d’autre choix que de le finir, à n’importe quelle heure …
Fred Vargas / Un lieu incertain , Viviane Hamy (2008).
PS. Dernier billet avant le départ en vacances. Rendez-vous dans deux semaines, avec plein de nouvelles lectures.