Un designer qui monte qui monte, dont le Tout Londres commence à parler, ça n’a pas envie de se laisser emmerder par un petit bonhomme terne et ennuyeux. Alors quand, un matin aux aurores, Mister Kitchen vient lui prendre la tête sous prétexte de lui acheter sa bagnole, notre designer pète un peu les plombs, et transperce le dit Kitchen avec une de ses créations. Seulement voilà, un emmerdeur mort reste un emmerdeur, dont il faut se débarrasser. Et quand une journée commence mal, il y a peu de chances qu’elle se termine bien. Les choses vont même aller de mal en pis pour notre pauvre artiste, qui va tenter de compenser en s’enfilant dans le gosier et dans le nez toutes sortes de produits, ce qui ne va pas améliorer son calme et sa lucidité. Une vraie journée de merde !
Vous connaissez peut-être ce numéro de cirque qui consiste à faire monter le plus de monde possible sur un vélo ? Ou cette scène d’un film des Marx Brothers où ils entassent le plus de monde possible (là encore) dans une cabine de bateau ? Et bien Charles Higson a certainement fait le pari d’empiler le plus d’emmerdements possibles, de plus en plus graves, sur la tête de son personnage. Il y réussi d’ailleurs avec brio, au point que son héros, loin d’être a priori sympathique, c’est peu de le dire, finit presque par nous faire de la peine !
C’est drôle, fort enlevé, sans pitié sur la société anglaise, de bas en haut, des prolos abrutis de bière, aux aristos pleins de morgue, en passant par les arrivistes et parvenus. Les diatribes du « héros », dans leur méchanceté et leur cynisme, sont un excellent exemple de démontage implacable de tout ce que notre bonne conscience nous amène à faire, à dire ou à penser, juste pour avoir l’impression que l’on fait partie des « gentils ». Lui est un sale con, riche, et fier de l’être.
A mon goût, c’est quand même un peu long, et frôle le répétitif sur la fin. Et au final, laisse le sentiment d’une certaine vacuité, ou vanité (vanité de vain, pas de vaniteux). Mais cela reste un bon divertissement.
Charles Higson / L'encombrant Mister Kitchen (Getting rid of mister Kitchen, 1996), Editions du Rocher/Thriller (2008). Traduction de l’anglais par Guy Abadia.