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30 juillet 2008 3 30 /07 /juillet /2008 21:55

Et voilà, enfin, je m’attaque au pavé Millenium. J’avais laissé passer le train du premier volume, puis débordé, du second. Ensuite trop tard pour se lacer dans un monstre de 2000 pages ! Mais bon, comme on me l’a offert, et que tous les copains qui savent que j’aime le polar me regardent avec des yeux ronds quand je dis que je ne l’ai pas lu, j’ai profité du calme estival pour me lancer.

Comme tout le monde en a parlé mille fois, je m’évite le boulot de résumer l’intrigue. Et avant de démarrer j’ajoute une petite précision. Heureusement que l’excellente Corinne de La Noir Rôde m’avait averti : Il ne se passe rien pendant les 200 premières pages, après on est pris. Sinon, je crois bien que j’aurais abandonné avant la page 100.

Ceci précisé, ne faisons pas durer le suspense. Oui c’est un bon polar, non je ne suis pas Milleniumaniaque, loin de là.

Bons points : Quand il se décide à démarrer, en fait environ après la moitié du bouquin, Stieg Larsson accroche bien le lecteur, qui a envie d’aller au bout ... la prose, bien que parfois un peu lourde, est dans l’ensemble fluide, et en bon journaliste, Stieg Larsson sait parfaitement exposer les résultats d’une recherche, avec efficacité, sans lasser et faisant bien avancer son histoire. Résultat, une intrigue très bien construite et bien exposée, ce qui n’est déjà pas mal pour un polar.

Autre bon point, le personnage de Lisbeth Salander qui apporte un peu de folie et d’imprévu au roman qui sinon serait plutôt plan plan.

Dernier bon point, de façon pas forcément facile à analyser, on referme le bouquin pas trop mécontent, et plutôt disposé à lire le suivant. Sans doute parce que grâce à une intrigue soignée on ne s’est finalement pas ennuyé, et qu’on a passé un moment agréable, sans trop se torturer la tête.

Mais, mais ...

C’est quand même long. Il en faut du temps pour que ça démarre. Et il y en a des paragraphes inutiles qui décrivent les documents étudiés, la biographie de personnages secondaires (qui au final n’a aucune importance pour l’intrigue et qu’on ne verra plus), l’arbre généalogique de la famille Vanger ...

Et c’est quand même mou. A part Lisbeth, pas grand monde de passionné, et de passionnant là-dedans. Et surtout pas ce bon Mikael, raisonnable à en être fade, et qui, de façon absolument incompréhensible finit par coucher avec toutes les femmes qu’il croise. Que Marlowe, incarné par Bogart les tombe toutes dans le Grand sommeil, ça se comprend. Mais là ! A croire que le mâle suédois est soit un infâme salopar qui ne prend son pied qu’en battant et violant, soit un ectoplasme avec le sex-appeal d’une méduse déshydratée.

Ma chronique pourrait s’arrêter là, sur un constat mitigé, et une formule réductrice : un bon polar pour la plage (Formule qu’en fait je déteste, bien entendu).

Mais Millenium pose quand même une question : Pourquoi un tel succès pour un roman agréable mais somme toute assez tiède ? Voici peut-être quelques éléments d’explication :

A la base, comme écrit plus haut, c’est bien raconté.

Mais surtout, c’est très rassurant. Les méchants sont punis, le gentil intègre gagne, les méchants capitalistes ne sont pas méchants parce qu’ils sont capitalistes et que le système le leur permet et les y pousse, mais parce qu’ils sont méchants. D’ailleurs, grâce aux gentils capitalistes, ils sont punis. La société suédoise n’est pas parfaite, mais les hommes qui maltraitent les femmes sont tous punis, et à part les journalistes économiques (sauf ce bon vieux Mikael) personne n’est mis sur la sellette. Et imaginer que dans nos sociétés, seuls les journalistes économiques (et encore suédois) sont des salauds ou des incapables, c’est quand même rassurant.

Même Lisbeth est rassurante. J’explique. Quand Nick Stefanos, Harry Hole, Jack Taylor ou Matt Scudder se prennent une cuite, le lecteur la ressent dans ses tripes, dans sa tête, il est malade avec eux, a envie d’un verre avec eux, craint le prochain verre et ses conséquences avec eux. Quand Lisbeth prend une cuite, elle dit « j’ai la gueule de bois ». Point final. Indolore pour le lecteur.

Et puis, chez Larsson, le mal est lui aussi rassurant, et presque indolore : Quand Nazutti de Chainas affronte le mal, et est contaminé par lui, le lecteur ressent une partie de ses émotions. Quand Patrick Kenzie affronte les pédophiles dans Gone, baby Gone de Dennis Lehane, on tremble de peur et de rage avec lui. Quand Mikael affronte le méchant (qui est quand même un serial killer des plus infects), ou rencontre sa plus ancienne victime, on compatit, un peu, beaucoup, mais ça ne fait pas mal !

Quand on s’attaque à un mal de cette ampleur chez Lehane, Connolly, Chainas, Férey, Ellroy ... ça laisse des traces. Des traces aux les personnages, définitivement marqués, mais également au lecteur, sonné, écoeuré, secoué, effrayé, qui met du temps à récupérer. Là rien. Mikael a juste quelques doutes sur la conduite à tenir, puis il rentre chez lui, régler sa petite vendetta et boire le champagne avec ses potes. Et le lecteur se réjouit avec lui, pas plus perturbé que ça. Même pas mal.

Plus j’y pense, plus je vois ce que ce roman a de rassurant, au risque, pour l’amateur de noir bien noir, de laisser une impression d’incohérence diffuse qui est révélée quand on se met à y réfléchir sérieusement.

J’arrête donc les frais et je résume : Agréable sans plus. Finalement, pour pousser un peu le bouchon, c’est de l’eau tiède. C’est très bien l’eau tiède, j’adore ça, quand je me douche. Et pourquoi pas quand je lis, de temps en temps. Mais en littérature, en général, je préfère l’eau glacée, bouillante, trouble, démontée, voire épicée. D’ici peu, le volume 2 ...

Dernier point. Je ne voudrais pas que quelqu’un lisant ce post se méprenne. Malgré les apparences, je ne trouve pas anormal ou indigne d’aimer ce roman (de quel droit d’ailleurs, pourrais-je porter un tel jugement ?). Au contraire, malgré ses défauts, j’ai finalement passé un bon moment. Ce qui m’interpelle c’est son succès, et l’enthousiasme qu’il déclenche. Enthousiasme que je ne partage pas.

Stieg Larsson / Les hommes qui n’aimaient pas les femmes (Millenium I)  (Män som batar kvinnor, 2005), Actes Sud/Actes noirs (2006). Traduction du suédois par Lena Grumbach et Marc de Gouvenain.

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commentaires

K
Bonjour, je viens de découvrir votre blog, et comme je lis beaucoup de polars finalement (pas que ça, d'accord)et en particulier Millenium 1 récemment, j'ai lu votre article :TB !<br /> Je compte aussi parcourir votre blog pour piquer des idées lecture ...
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J
<br /> Bienvenue, et j'espère que vous tomberez bien en suivant mes conseils.<br /> <br /> <br />
K
D'accord avec Michel pour l'aspect série télévisée qui marche bien avec Millenium, ça m'avait fait penser à "Dexter"... Du coup, ça se laisse lire facilement mais c'est très oubliable. Pour ma part,je m'arrêterai au premier. Des commentaires variés ici aussi : http://lettres-expres.over-blog.com/article-19370273.html
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J
<br /> N'écoutant que mon courage, et mon sens du service public, je me suis lancé dans le second. Il rame. Tous les défauts du 1° sont là, j'irai au bout, mais je m'arrêterai là.<br /> <br /> <br />
B
Bonjour. Je viens ajouter ma petite pierre à l'édifice de ces commentaires. En ce qui me concerne, j'ai beaucoup aimé le premier volume. Pour la rencontre culturelle, la découverte, pour les personnages et, comme beaucoup, pour Lisbeth Salander. L'effet de lenteur ne m'a pas gêné, bien au contraire. Larsson ne se rue pas sur l'action, ne joue pas la carte du rebondissement systématique. Tout comme Blomkvist, on découvre le lieu où il va se retrancher, tout comme les éléments de l'intrigue. Le temps, qui peut paraître un peu long à mener son intrigue, me semble au contraire assez "réaliste".<br /> Mais...il y en a aussi un en ce qui me concerne, le deuxième m'a effectivement déplu pour la simple et bonne raison que la découverte n'était plus là, que les personnages s'engluaient dans une intrigue qui pour la peine, n'en était pas vraiment une. Je n'y ai pas trouvé la cohésion et la cohérence dy premier volume. Je me suis arrêté là...
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J
Bonjour à tous,<br /> Je suis globalement d'accord avec la critique de Jean-Marc. Millénium est très consensuel donc fédérateur. C'est une sorte de "Polar pour les nuls" (rien de péjoratif, juste un clin d'oeil à la collection noire et jaune (non, pas la SN :-))). Je comprends parfaitement qu'il puisse plaire à des lecteurs occasionnels de Polar. De là à leur laisser croire que le Polar ce n'est que ça il y a un pas qu'il ne faudrait pas franchir...
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M
Je pense que le succès est un mélange de plusieurs choses : 1) les personnages, et particulièrement Lisbeth. 2) l'exotisme proche : nous rentrons dans un monde à la fois très proche de nous, et très éloigné quand même. 3) (Et c'est à mon avis le point central) : l'aspect feuilleton, ou plus exactement mini-série télé glauque, comme La fureur dans le sang par exemple (qui passe sur Canal) - au départ, cette série est roman, adapté à la télé en série, qui elle-même forge un "esprit", ou plus exactement qui correspond à un état d'esprit ambiant (cf les romans de Mo Hayder). Et je pense que c'est ce cocktail qui en fait le succès : un gros roman en 3 parties, proche des gouts d'aujourd'hui, sur un bon polar.
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  • : Il sera essentiellement question de polars, mais pas seulement. Cinéma, BD, musique et coups de gueule pourront s'inviter. Jean-Marc Laherrère
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