Daedwood, Far West, fin du XIX°. Train, Los Angeles, années 50. Et là Paperboy, Floride, 1965. Les trois romans de Pete Dexter que j’ai lu. Trois lieux, trois époques, trois réussites éclatantes.
1965, Comté de Moat, au nord de la Floride. Une cambrouse moite et glauque bien éloignée de l’image glamour de Miami et de ses plages. Le shérif Thurmond Call n’est pas un exemple de justice et de tolérance. Mais ses électeurs lui pardonnent ses bavures, après tout, ses 16 premières victimes étaient noires. C’est la 17° fait tâche. C’est un blanc, et même s’il appartient à la famille Van Wetter, crapules consanguines qui vivent, craints et isolés de tous, dans les marais, cela ne se fait pas.
Quand le bon shérif se fait ouvrir le ventre de part en part, la police a vite fait d’arrêter Hillary Van Wetter, un des membres les plus violents de la tribu. Il est tout aussi rapidement condamné et parqué dans le couloir de la mort en attente de son exécution. C’est compter sans Charlotte Bless, la quarantaine sexy, qui tombe amoureuse d’Hillary en voyant ses photos, et fait des pieds et des mains pour convaincre deux journalistes du Miami Times d’enquêter.
Quel bouquin ! On transpire avec les personnages, on sent l’odeur de pourriture des eaux stagnantes, on ressent la glace fondue poisser les doigts … La Floride telle que vous voyez rarement, loin des plages ensoleillées de Miami, les deux pieds dans la vase, à se battre contre les moustiques.
Et quels personnages ! Le duo de journalistes, l’un laborieux mais implacable, l’autre arriviste, m’as-tu-vu mais brillant ; Charlotte, l’égérie des tueurs, complètement allumée ; et surtout la terrible famille Van Wetter, sortie tout droit de Delivrance, d’un roman de Caldwell ou d’un recueil de nouvelles d’Offut. Personnages effarants, hors du temps et de la société, comme on n’imagine pas qu’il puisse en exister dans un pays « civilisé », et pourtant, que le roman noir américain nous dépeint, de temps à autre.
Puis il y a l’histoire étouffante comme l’atmosphère de la petite ville renfermée, raciste, intolérante. Mais n’allez pas croire que le brillant journaliste, qui va dénoncer cette atmosphère vaille mieux que ses victimes : superficiel, arrogant, égoïste, il n’est jamais qu’une autre facette de la médiocrité humaine, la facette brillante et citadine.
Et ce n’est pas tout. C’est également la peinture sans concession du milieu de la presse en même temps qu’un hommage vibrant à ceux, parmi les journalistes, qui croient en leur métier. A ce titre le personnage de Ward, mal dans sa peau mais implacable et inébranlable dans sa recherche de la vérité, force le respect, voire l’admiration et vous hantera longtemps.
Tout cela décrit de façon sèche, impeccable, sans un mot de trop, sans un jugement de valeur. Du grand art. Il faut absolument que je trouve le temps de lire les autres romans de Pete Dexter !
Pete Dexter, Paperboy, (The paperboy, 1995) Points/Roman noir (2007). Traduction de l’américain Brice Matthieussent