Montmartre Mont des Martyrs de Chantal Pelletier n’est pas une suite, mais un début. Il revient en effet sur les tout débuts de Maurice Laice, alias Momo, chez les flics de Montmartre.
10 mai 1981, c’est la fête à Paris, et dans le reste de la France. Pas pour tout le monde, outre les électeurs de droite qui font la gueule, une famille est abattue dans son appartement. Trois ans plus tard, l’état de grâce est terminé, les guerres de religions sont reparties, et les manifestations de soutien à l’école privée se multiplient. Maurice Laice est devenu flic à Montmartre, un peu par hasard, pour ne pas quitter son quartier. C’est lui qui va devoir trouver qui est cet homme qui a été découvert nu, abattu d’une balle, dans un passage de la butte. Travestis, cathos traditionalistes, artistes peintre en devenir, trafiquants en tous genres vont se croiser au fil de l’enquête.
Mis à part une intrigue qui tient la route, et fait tourner les pages (ce qui n’est déjà pas mal), il y a trois excellentes raisons pour lire ce nouveau roman de Chantal Pelletier.
La première est le personnage de Maurice, flic par hasard, à défaut d’autre chose, en porte-à-faux dans son milieu, mais trop terne et lâche pour affronter une hiérarchie qui le dégoûte. Car si Momo partage avec certains de ses collègues de fiction un rejet de l’idéologie majoritaire chez les cognes, il est très loin d’avoir la hargne et le caractère d’un Harry Hole ou d’un Padovani. Donc il s’écrase. Et s’en veut. Maurice, la gaufrette, paumé, considéré par tous comme un gamin, sans aucune confiance en lui … Un personnage qu’on a envie d’aimer. Pauvre Momo, jamais vraiment à l’aise, même et surtout quand une belle fille s’intéresse à lui :
« Pourquoi une nana comme elle viendrait-elle attendre un minable comme lui ? […] Momo ouvrit la bouche, affichant l’air bête que toute surprise ne manquait pas de lui donner, et qu’il déplorait plus que quiconque ».
La deuxième est la description de ce moment charnière où l’on a commencé à s’apercevoir que François Mitterrand n’était pas forcément de gauche … Où les illusions ont commencé à tomber, où ceux qui avaient beaucoup espéré ont commencé à déchanter, et où, dans le même temps, la droite a commencé à relever la tête.
La dernière, c’est le style Pelletier, vif, imagé, qui fait très souvent mouche. Exemples :
« Sidéré qu’on puisse avoir des lettres et plus un rond, le ventripotent, cloué à l’entrée de sa boutique à fric, en resta bouche bée, la dégaine d’une carpe prête à farcir ».
« le vacancier n’est jamais tout seul, au minimum en couple, comme les canards, ou en bande, comme les pingouins ».
Alors en route pour Montmartre, et les années Mitterrand.
Chantal Pelletier, Montmartre Mont des Martyrs, Série Noire (2008).