Pour des raisons diverses et variées, je n’avais pas été complètement emballé par mes dernières lectures, il y avait de l’eau dans la gaz et du mou dans les voiles. Dans ces cas-là, comme disait mon entraîneur de rugby, il faut revenir aux fondamentaux. Coup de chance, Rivages publie ces jours-ci un nouveau Robicheaux. Retour aux fondamentaux donc avec Dernier tramway pour les Champs Elysées de James Lee Burke.
Il pleut sur les bayous. Dave Robicheaux est en rogne. Pas à cause du temps, mais parce que son ami, Jimmie Dolan, prêtre grande gueule qui n’hésite jamais à affronter sa hiérarchie et les notables du coin pour défendre les plus démunis a été tabassé quelques semaines auparavant. Avec son ami Clete, colosse souvent imprévisible, il est bien décidé à faire payer l’exécutant et ses commanditaires. Sur son chemin il va croiser un tueur de l’IRA et le fantôme d’un musicien de blues mort depuis 50 ans. Face à lui, rapidement, toute la puissance et la morgue des grandes familles du sud, qui continuent à se comporter en propriétaires de la région et de ses habitants.
Pour les fans de James Lee Burke et de Robicheaux, il suffit de dire que c’est un très bon Robicheaux, presque du niveau de Dans la brume électrique avec les morts confédérés. Pas besoin d’en rajouter.
Pour ceux qui ne connaissent pas, il vaut certainement mieux commencer par les débuts de la série, bien que, comme les autres, cet épisode puissent se lire seul. On y retrouve cette tête de mule de Robicheaux, en proie à ses doutes, ses démons, ses remords. Robicheaux qui semble plus à l’aise en compagnie des morts que des vivants, et qui se sent de plus en plus décalé dans la Louisiane telle qu’elle évolue. Robicheaux qui, malgré ses échecs, les coups qu’il a pris, et la perte progressive de ses illusions ne peut se résoudre à voir que ce sont toujours les mêmes qui s’en sortent, les mêmes qui payent le prix fort. Dave Robicheaux qui a de plus en plus de mal à exercer son métier de flic, et à se convaincre qu’il est juste de faire respecter la loi :
« La définition de ce qui est légal n’a pas grand-chose à voir avec une conduite vertueuse. Il était légal d’empoisonner systématiquement la terre et de vendre des armes aux fous furieux du tiers-monde. Les hommes politiques qui n’avaient personnellement jamais servi leur pays en service actif, ni entendu les hurlements des victimes d’un lance-flamme sur le terrain ou refermé de sacs à viande sur le visage de leurs meilleurs amis, réclamaient la guerre à cor et à cri et s’affichaient fièrement au garde-à-vous devant le drapeau tout en envoyant d’autres qu’eux se battre pour lui ».
Cet épisode passe du lyrisme pour la description des bayous à l’âpreté et la sécheresse pour celle des conditions de détentions au pénitencier d’Angola, de la « saudade » sépia de Dave qui pleure ses morts, à l’explosion jouissive des coups de folies salutaires de son copain Clete. Une vraie histoire, de beaux personnages, un style, de la force, de l’humanité … un grand bouquin.
Et comme une bonne nouvelle n’arrive jamais seule, qu’apprend-je en lisant la quatrième de couverture ? Que Bertrand Tavernier tourne, ou a tourné Dans la brume électrique avec les morts confédérés, et en plus avec Tommy Lee Jones dans le rôle de Robicheaux ! Autant je n’ai jamais compris que Redford soit un jour choisi pour incarner Dortmunder, autant le choix de Tommy Lee Jones me semble d’une évidence aveuglante, aussi aveuglante que le choix de Lee Marvin pour jouer Parker. Et comme Tavernier avait eu le Coup de génie (et de torchon !) dans son adaptation de 1275 âmes, je suis très impatient de voir ce film.
James Lee Burke / Dernier tramway pour les Champs-Elysées (Last car to Elysian Fields, 2003), Rivages/Thriller (2008), traduit de l’américain par Freddy Michalski.