Il y a fort longtemps, dans un bordel fréquenté par les artisans et ecclésiastiques de Barcelone, naît un enfant étrange. A cinq ans, son visage est celui d’un adulte et il se nourrit de sang. Quand il a sept ans, sa mère accusée de sorcellerie par l’Autre, est exécutée. Il survivra alors seul, au fil des siècles, se cachant, changeant d’identité et de métier quand ceux qui le côtoient s’aperçoivent qu’il ne vieillit pas, échappant plusieurs fois à l’Autre qui le pourchasse à travers les siècles. Aujourd’hui, Marta Vives, belle jeune femme, stagiaire dans un cabinet d’avocat, est amenée à croiser sa route, et à s’interroger sur l’histoire de sa propre famille, liée à la guerre entre les deux éternels, ainsi qu’à celle que se livrent, depuis fort longtemps, les libres-penseurs et les tenants de l’orthodoxie religieuse.
Avec La ville intemporelle ou le vampire de Barcelone, Francisco Gonzalez Ledesma fait une belle déclaration d’amour à sa ville et aux femmes qui en ont été, et en reste, l’âme. Peut-être plus encore que dans ses polars habituels c’est bien Barcelone le personnage central de ce dernier roman. Barcelone que l’on voit changer, étouffer, grandir, saigner, chanter, souffrir, s’enrichir, vivre … du Moyen-Âge à nos jours. Barcelone qui, comme toujours, est indissociable dans l’œuvre de Ledesma de ses habitants, et plus particulièrement des plus pauvres, de ceux qui l’ont construite, nourrie et fait palpiter. Barcelone qui au cours de siècles s’est construite sur ses morts et ses ruines, et qui s’est empressée de les oublier. C’est à ce passé oublié que Ledesma rend hommage.
Il le fait, pour la première fois, au travers d’un récit fantastique, mettant en scène le combat permanent entre les Bien et la Mal, Dieu et le Diable, ceux qui croient et ceux qui doutent, ceux qui prônent l’Obéissance et ceux qui veulent la réflexion et la discussion. Un combat qui ne s’achève bien entendu pas à la fin du roman …
Comme toujours chez le créateur de Mendez, il ne faut pas attendre une trame serrée et de l’action. Il écrit une histoire de vampire sans terreur ou presque, sans péripéties ou presque, sans combat titanesques entre forces surhumaines. Son récit fantastique, comme ses récits policiers, utilise le genre comme un prétexte à écrire, encore et toujours, la même histoire. Celle d’un souvenir mélancolique aux couleurs sépia, hommage à tous les anonymes qui sont l’âme de Barcelone. Francisco Gonzalez Ledesma se renouvelle en réécrivant le roman qu’il écrit depuis ses débuts. Ce qui est la marque de grands auteurs.
Francisco Gonzalez Ledesma / La ville intemporelle ou le vampire de Barcelone (La ciudad sin tiempo, 2007), L’Atalante (2008), traduit de l’espagnol par Christophe Josse.