1594. Le pouvoir d’Henry IV est encore bien fragile, menacé de l’intérieur et de l’extérieur. A Rouen, le comte de Bleuse est sauvagement assassiné, et crucifié dans une église dont tous les bénitiers ont été remplis de sang. Il n’en faut pas plus pour raviver le spectre de la guerre entre protestants et catholiques. Mais il y a encore pire pour le roi. Une lettre, écrite des années auparavant, lui a été volée ; lettre où il se déclarait prêt à quitter le giron de l’église catholique. Tout son travail récent serait anéanti si cette lettre arrivait dans les mains du roi d’Espagne, et si le sang coulait à nouveau à Rouen. C’est Gilles Bayonne, soldat du roi et enquêteur, qui est envoyé sur place pour élucider cette sombre affaire, et désamorcer la catastrophe.
Commençons par une généralité : Je n’aime pas les polars historiques. Vient ensuite une autre généralité : Toute règle a ses exceptions. Un chien du Diable de Fabienne Ferrère est une de ces exceptions. Ce que je reproche habituellement aux polars historiques c’est de se cacher derrière l’exotisme d’une époque et/ou d’un lieu, et de considérer que c’est suffisant. Plus besoin d’avoir de vrais personnages, plus besoin de construire une intrigue, plus besoin de peaufiner la langue, on plante un décor, et c’est bon.
Or le roman de Fabienne Ferrère n’a aucun de ces défauts. Tout d’abord ce personnage principal, très hard-boiled si on y regarde d’un peu près : teigneux, mauvais coucheur, pas très respectueux de l’ordre et des puissants. Les coupeurs de cheveux en quatre pourraient éventuellement lui reprocher d’être trop moderne et d’avoir des préoccupations d’un autre temps. Laissons-les couper les cheveux. Gilles Bayonne n’est pas le seul beau personnage de ce roman, tous les personnages secondaires, nobles, curé, taverniers, soldats, voleurs … sont travaillés, fouillés et fournissent une galerie de portraits hauts en couleur.
L’intrigue tient bien la route, même si un lecteur un peu aguerri de polars devine assez vite qui est le coupable. Mais est-ce vraiment le plus important ? Non. Reste à découvrir comment, et surtout, pourquoi, et à suivre le cheminement du héros vers la découverte de la vérité.
La description de cette époque sale, boueuse, dure, très dure pour les plus pauvres (c'est-à-dire la grande majorité) est totalement convaincante. Le choix de situer l’histoire à un moment où il tombe des cordes, avec des personnages en permanences crades et pataugeant dans la gadoue est particulièrement judicieux. Et pour garder le meilleur pour la fin, l’auteur fait un très bel usage de la langue, avec des dialogues « d’époque », qui sonnent vrais, ne paraissent jamais artificiels, et claquent à l’oreille. Bref, une belle réussite.
Une petite demande, si je puis me permettre. Il ne semble pas impossible de revoir Gilles Bayonne dans un avenir prochain. Alors tant qu’à avoir un spadassin sous la main, on pourrait avoir un peu plus de castagne ? Quelques bons échanges de coups d’épées ? S’il vous plait madame l’auteur ?
Fabienne Ferrère / Un chien du Diable 10x18/ Grands détectives (2008).