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28 octobre 2008 2 28 /10 /octobre /2008 23:00

Quand on parle de certains auteurs, chacun y va de son roman préféré, on discute, on argumente, on pinaille, on en appelle à l’œuvre complète … chez Hervé Le Corre, pas de doute (pour l’instant), c’est toujours le même titre qui revient, son chef-d’œuvre récompensé par de nombreux prix : L’homme aux lèvres de saphir.

Paris, 1870, le second empire est aux abois, les bourgeois ont très peur du peuple ouvrier qui s’organise autour des syndicats et de l’internationale socialiste. La police passe plus de temps à réprimer la contestation politique qu’à traquer le crime. C’est dans cet environnement que débarque Etienne Marlot, que plus rien ne retient dans sa province. Dès la nuit de son arrivée, il tombe sur un spectacle d’horreur : place Vendôme, suspendu à la colonne, un macchabée, éventré et scalpé est suspendu tête en bas. Comble de malchance, l’assassin est toujours là, et dans sa fuite laisse tomber un petit carnet qu’Etienne ramasse machinalement. L’homme revient alors sur ses pas, menace Etienne, mais doit s’enfuir en entendant du bruit.

Pauvre Etienne obligé de rester pour parler aux flics pour qui tout pauvre est un délinquant en puissance, mais également recherché par le meurtrier qui veut récupérer son carnet. Un carnet qui disparaît en même temps que l’ensemble des possessions d’Etienne, laissé sans surveillance pendant son interrogatoire au poste.

L’arrivée à la capitale se fait vraiment sous les pires auspices. Heureusement, il rencontre Fernand, ouvrier socialiste, qui va l’aider à trouver un boulot, l’entraîner dans ses réunions, et devenir son meilleur ami. En parallèle l’assassin fou continue le massacre, en hommage à l’œuvre méconnue d’Isidore Ducasse, comte de Lautréamont dans laquelle il voit une prophétie des temps à venir.

C’est l’inspecteur François Letamendia qui enquête sur cette série de meurtres atroces. Une enquête pendant laquelle il se posera beaucoup de questions, sur ce nouveau mal et ce qu’il annonce, mais aussi sur son rôle dans une police qui réprime si durement toute tentative de mouvement social.

500 pages de roman touffu, à la fois noir, historique et policier, et pas une ligne de trop, pas une chute d’intérêt. Tout est là pour passionner le lecteur. Le monstre, serial killer avant l’heure, est impressionnant. C’est la condition nécessaire pour que le lecteur tremble pour la vie des autres personnages, ceux auxquels il s’attache, et tourne fébrilement les pages. Autour du suspense ainsi créé, Hervé Le Corre dépeint magnifiquement le peuple ouvrier de Paris, qui, malgré sa misère noire, l’exploitation dont il est victime, et la répression aveugle de la police, continue à vivre, à rêver, à s’amuser, et surtout, à s’organiser et à lutter pour des jours meilleurs. Un peuple ouvrier magnifiquement décrit, chaleureux, remuant et surtout vivant, vivant en diable dans la lutte, dans les tavernes, dans le bruit, la misère, la joie et la fureur.

A lire aujourd’hui, il est frappant de voir comme la peur et le mépris que ce peuple inspire aux possédants et à leurs chiens de garde policiers ne sont pas sans rappeler l’attitude actuelle face aux pauvres, qu’ils soient minots de banlieue, migrants sans papiers, ou simples pauvres sans boulot. Avec cependant une différence notable : A l’époque de L’homme aux lèvres de saphir le danger était sans aucun doute bien plus grand pour les possédants qui affrontaient, dans ce qu’il faut bien appeler la lutte des classes, un adversaire conscient de son appartenance, justement, à une seule classe, conscient de sa force, conscient de ce qu’il y avait à gagner, et contre qui. A ce titre, la lecture de ce roman est, aujourd’hui plus que jamais, salutaire.

Sur Bibliosurf, outre ma chronique de l’époque qui ne vous apprendra rien, puisque je m’en suis fortement inspiré pour le présent papier (et oui, je triche, je recycle), un très bon papier de Roger Martin.

L’homme aux lèvres de saphir, Rivages/Noir (2004)
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commentaires

T
<br /> <br /> Un superbe roman !<br /> <br /> <br /> <br />
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J
<br /> <br /> Et qui a reçu pas mal de récompenses et de prix, ce qui n'est que justice.<br /> <br /> <br /> <br />
H
J'avais déjà vu ce bouquin dans une sélection de polars (Guide FNAC du Polar).<br /> Cet avis me donne sérieusement envie de m'y mettre, d'autant plus que j'aime bien cette période de l'histoire de France.<br /> Je guetterai donc cette couverture sur les étals des libraires d'occasion.
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J
<br /> Bonne chance, en général les lecteurs ne sont pas déçus avec ce roman.<br /> <br /> <br />
H
Rassurez-vous, ce n'est pas un oublié de votre top 100. Il y figure d'ailleurs à juste titre!
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J
<br /> Alain et Helen,<br /> <br /> Je vois que l'homme aux lèvres de saphir a ses fans. Et je m'en réjouis. Mais il est vrai qu'il a été très peu cité dans les listes que j'ai recueillies, d'où ce petit billet.<br /> <br /> <br />
A
J'ai eu aussi beaucoup de plaisir avec ce livre
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P
Arriver à Paris et risquer de finir à l'hospice, ce n'est effectivement pas commencer son séjour sous les meilleurs auspices !<br /> ; )<br /> <br /> La référence est notée.
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J
<br /> Oups. Voilà ce que c'est d'écrire tard, après une grosse journée ! Merci. C'est corrigé !!<br /> <br /> <br />

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