J’ai découvert Seul le silence de R.J. Ellory grâce à différents avis vus sur les blogs, chez Bastien ou Cuné (entre autres) …
Evacuons tout de suite une question légitime. Non, malgré la grande ressemblance patronymique, R.J. Ellory n’est pas un pseudo de James Ellroy ! Ou si c’est le cas, le canular est énorme. Pour en savoir davantage sur cet auteur anglais (ses romans se déroulent en général aux US mais il est anglais), on peut aller sur son site. Dernier point de détail, les éditions Sonatine qui publient cette première traduction, en annoncent déjà une nouvelle pour août prochain.
Venons-en maintenant au roman.
1939 dans une petite ville de Georgie. Alors que les rumeurs des horreurs en Europe filtrent à peine, la petite ville est secouée par la découverte du cadavre d’une gamine d’une dizaine d’années qui a été violée avant d’être tuée. Joseph Vaughan la connaissait bien, il était en classe avec elle. Quand dans les comtés alentour les viols et les meurtres se multiplient la panique et la colère gagnent. Joseph s’organise avec quatre copains pour patrouiller la nuit, la trouille au ventre. Les adultes eux cherchent un bouc émissaire. Ils finiront bien entendu par le trouver … Quelques années et bien des malheurs plus tard Joseph quittera sa ville pour aller à New York et commencer à écrire. Mais, alors même qu’il pense lui avoir tourné le dos à tout jamais, le passé le rejoindra, de la plus douloureuse façon.
Pour commencer, voilà ce que ce roman n’est pas. Ce n’est pas, en dépit de ce que peut laisser croire le résumé, un polar formaté de plus sur le thème, mainte fois rebattu, du serial killer. Et ce n’est pas, malgré la dédicace à Truman Capote, un nouveau De sang froid.
Si l’on a effectivement un serial killer dans le roman, le sujet est ailleurs. Pas de traque ici, pas, ou peu de suspense à la Michael Connelly (sauf, un peu à la fin). Le propos est autre. Ellory a écrit un roman très noir sur la culpabilité, les traumatismes et l’imaginaire de l’enfance, mais également sur la difficulté d’être différent dans une petite ville, sur le déracinement … De très nombreuses thématiques, traitées avec finesse et beaucoup d’empathie, qui donnent une tonalité à la fois sombre et très émouvante à ce beau roman noir.
Pour ce qui est de Truman Capote … De sang froid est un roman implacable, d’une noirceur glaçante, sans la trace d’une « prise de position », dans lequel l’auteur ne s’implique jamais en tant que narrateur, observant tout (bourreaux et victimes) d’une position totalement externe. Ellory, au contraire, nous plonge en plein cœur du drame, dans la tête d’un personnage qui lui, se sent, à tord ou à raison, totalement impliqué. Ce qui n’enlève rien, ni à Capote (!) ni à Ellory. Ce sont juste deux grands romans, aussi différents que l’on peut l’être à partir d’un sujet en apparence semblable.
S’il fallait chercher des paternités, je pencherais plutôt du côté de La nuit du chasseur de Davis Grubb, pour le rôle central de l’enfance, pour la description de l’emprise étouffante de la religion et du regard des autres dans une petite ville rurale, pour l’angoisse des scènes de nuit … Une référence tout aussi prestigieuse que celle de Capote, et qui n’écrase jamais le roman d’Ellory. C’est dire.
R.J. Ellory / Seul le silence (A quiet belief in angels, 2007), Sonatine (2008), traduit de l’anglais par Fabrice Pointeau.