Bill James est l’auteur d’une série de polars centrés sur deux flics, Harpur et son chef Iles. Avec Mal à la tête, il crée deux nouveaux personnages, féminins, mais toujours flics.
L’inspectrice Sally Birthron, et la Commissaire Principale Adjointe Esther Davidson n’ont pas choisi une mission facile : Elles sont envoyées loin de leur brigade habituelle enquêter sur un éventuel cas de corruption chez les flics locaux. Un de leurs meilleurs indics a été torturé et abattu. Le procès a eu lieu, deux petits malfrats ont été condamnés. Mais le ministère de l’intérieur, sous la pression de la presse, envoie Sally et Esther vérifier si l’indic n’a pas été donné par la police parce qu’il gênait certaines accointances louches en haut lieu. Dire que les deux femmes vont être chaleureusement accueillies et généreusement aidées par les flics locaux serait sans doute un peu exagéré.
Comme John Harvey et Graham Hurley, Bill James est britanique (j'avais précédemment écrit qu'il était anglais, l'incollable et encyclopédique Claude Mesplède m'a heureusement corrigé, il est gallois) et écrit des polars dans le style procédural (c'est-à-dire, pour faire court, des romans qui décrivent, de la façon la plus réaliste possible, le travail d’une équipe de flics). La comparaison s’arrête là.
Si les deux premiers sont au plus près de leurs personnages, ont une approche empathique et induisent une forte sympathie entre ces personnages et le lecteur, Bill James observe et décrit tout avec une distance ironique. Le roman est articulé autour des pensées des deux femmes, et surtout de dialogues de sourds où chacun met un point d’honneur à ne pas répondre aux questions qu’on lui pose et à parler d’autre chose.
Ces dialogues, véritable marque de fabrique du roman, présentent un exercice de haute voltige d’une précision et d’une finesse ahurissantes. Mais un exercice potentiellement gênant, j’en suis conscient. En gros, soit on reste admiratif, soit ça agace. D’autre part, le risque à force de prendre de la distance, c’est de faire lâcher prise au lecteur. Qui ne doit espérer ici ni une enquête serrée, ni un grand suspense avec résolution spectaculaire à la fin.
Pour ceux qui aiment, cela donne un tableau tout en finesse et en petites touches mais d’une implacable vérité, et d’une cruauté d’autant plus grande qu’elle est subtile. Pour le lecteur qui n’adhère pas, cela risque de rester un exercice de style dont il ne voit pas trop l’intérêt.
Bill James / Mal à la tête (Tip Top, 2005), Rivages/Noir (2008), traduit de l’anglais par Catherine Richard.