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6 février 2009 5 06 /02 /février /2009 21:28

Actu-du-noir et le polar européens soufflent le chaud et le froid. Après la canicule sicilienne d’un été ardent, voici l’Hiver arctique, cinquième épisode de la saga islandaise d’Arnaldur Indridason.


L’hiver est tombé sur Reykjavik, chacun se calfeutre chez lui. C’est peut-être pour cela que personne n’a rien vu quand Elias, 12 ans, a été tué d’un coup de couteau en bas de chez lui au moment où il rentrait de l’école. La maman du gamin est thaïlandaise, la presse évoque immédiatement la possibilité d’un crime raciste. Pour Erlendur et son équipe, aucune piste n’est privilégiée. Autour de la famille, personne ne comprend, Elias était un petit garçon adorable.


Si l’on prolonge le parallèle climatique avec Camilleri et son Montalbano, je dirais qu’Indridason s’en sort moins bien, au moins pour cet épisode. Je m’explique.


Pour la première fois, je trouve qu’il a du mal à écrire son personnage récurrent. Il se heurte au problème inévitable du genre : Comment en dire assez pour que le roman soit compréhensible pour quelqu’un qui n’a pas lu les épisodes précédents, et ne pas en dire trop pour ne pas agacer les habitués.


En général, les auteurs choisissent de privilégier les fidèles. Donald Westlake était passé maître dans l’art du sous-entendu et du clin d’œil au fan. Les scènes dans le O.J. Bar & Grill de la série Dortmunder en sont une des illustrations les plus parfaites, on comprend tout à demi mot. Andrea Camilleri pour en revenir à lui pratique aussi cet exercice avec brio : pas une explication superflue par exemple dans le dernier roman sur les relations entre Salvo et Livia.


C’est un choix risqué (l’auteur peut perdre un lecteur occasionnel s’il se sent trop « exclu ») mais extrêmement jouissif quand ça marche. Pour la première fois dans la série Erlendur, j’ai très nettement ressenti qu’Indridason faisait le choix inverse. On a donc droit, de nouveau, à de longues explications sur la disparition de son frère, sans que la compréhension de cet événement n’avance d’un poil. Idem sur ses relations avec ses enfants. C’est peut-être subjectif, mais j’ai trouvé que cela alourdissait considérablement la première partie du récit, et ça m’a agacé.


Ensuite, ça décolle, et on retrouve les qualités des épisodes précédents : une intrigue fouillée et méticuleuse qui évite le spectaculaire tout en ménageant quelques surprises ; des personnages, Erlendur en tête, que l’on a plaisir à retrouver ; et la peinture toute en petites touches de la société islandaise. La fin, cinglante et totalement … imprévisible, vient renforcer la noirceur du roman compense heureusement les lourdeurs du début.


Cette peinture qui s’enrichit de roman en roman met cette fois en lumière l’influence d’un climat rude sur l’isolement dans lequel vivent les islandais. Isolement du reste du monde, mais également isolement de chaque cellule familiale. Et comment cela conditionne les réactions, généreuse ou racistes suivant les individus, face à l’arrivée d’étrangers dans une population qui avait jusque là été coupée du monde.


On voit là, d’ailleurs, que c’est en parlant de cas bien particuliers comme celui de l’Islande que l’on touche à la nature humaine la plus universelle. Les réactions xénophobes islandaises ressemblent étrangement à ce que l’on peut voir et entendre un peu partout dans le monde.


Reste maintenant à voir comment Indridason va, à l’avenir, se tirer du piège Erlendur …

 

Arnaldur Indridason / Hiver arctique (Vetrardorgin, 2005), Métailié (2009), traduit de l'islandais par Eric Boury



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commentaires

A
<br /> <br /> Je suis un peu en retard sur tous ces autres lecteurs puisque je n'ai découvert cet auteur avec ce roman-ci que tout récemment donc les redondances et rappels ne m'ont pas dérangés. Par contre je<br /> reconnaîs avoir eu parfois un peu de peine sur certains passages qui me paraissaient lourds et complètement décontenancée par cet auteur nordique ... mais je pense que je vais me lancer dans la<br /> suite ou plus précisément ... commencer la série par le bon bout<br /> <br /> <br /> <br />
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J
<br /> <br /> La lenteur est une des caractéristiques d'Indridason. Une lenteur que pour ma part j'aime bien.<br /> <br /> <br /> <br />
M
Ayant lu l'analyse du maître du blog, j'ai tardé à prendre ce livre ce livre acheté dès sa parution. Et bien j'ai eu tort. J'aurais dû le laisser moins longtemps sur ma table de nuit. C'est un très bon livre d'Indradisson. D'accord c'est moins bon que la cité des jarres ou la femme en vert mais bien supérieur à la voix. Contrairement à ce cher Jean-Marc je ne trouve pas que l'auteur soit très lourd avec l'histoire de son frère ; ce n'est pas une redite mais plutôt un prolongement. Le lecteur "occasionnel "n'est pas perdu et le fidèle n'est pas agacé (enfin moi Meyer Meyer je ne l'ai pas été)<br /> <br /> C'est donc une lecture hautement recommandable
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J
<br /> Il semblerait que je sois un des rares à avoir quelques restrictions vis à vis de ce volume. Quoi que j'ai vu, sur les blogs un autre avis comme le mien.<br /> Tous les autres sont unanimes et élogieux. J'étais peut-être de mauvaise humeur quand je l'ai lu ...<br /> Ceci dit, j'attends le prochain avec impatience.<br /> <br /> <br />
M
Enfin lu ! Et beaucoup aimé.<br /> Les rappels des épisodes précédents et la manière dont cela a été fait ne m'ont pas dérangés dans ma lecture.<br /> L'histoire de son frère avance quand même, non ?
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J
<br /> Bon ben je suis le seul à être grognon alors. Tant pis pour moi.<br /> <br /> <br />
L
Même remarque que les autres lecteurs. Je suis très demandeurs de ces histoires parallèles à l'enquête. Retrouver ces enfants ou l'histoire de son frère font parti des points positifs des romans d'Indridason.
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J
<br /> Moi aussi je suis demandeur de ces histoires parallèles. Ce qui me semble un peu lourd, c'est quand Indridason "résume les épisodes précédents" à l'intention des nouveaux lecteurs.<br /> D'ailleurs, ces histoires parallèles, autant celle de la disparition de son frère que celle avec sa fille n'avancent guère dans cet épisode.<br /> <br /> <br />
C
Bientôt terminé....Je n'ai, comme Hannibal, pas été gêné par les rappels. Ils sont quand même assez courts pour pouvoir "satisfaire" une majorité de lecteurs ("nouveaux" et "habitués"). Je place tjs l'homme du lac juste devant la femme en vert (une différence avec Hannibal cette fois)
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J
<br /> Je suis donc le seul à avoir des réserves. Tant mieux pour Indridason et Erlendur que j'iame bien tous les deux.<br /> <br /> <br />

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