Vous avez de l’argent, vous êtes à la retraite, vous en avez assez du froid du nord, vous voulez de la sécurité, du confort de la convivialité ? En un mot, vous voulez passer le restant de votre vie en vacances dans un cadre idyllique ? Une seule adresse, Les Conviviales.
Martial et Odette ont été les premiers convaincus. Au début ce fut un peu dur. Il pleuvait, les quarante neuf autres maisons étaient inoccupées, et le gardien M Flesh avait certes l’air efficace, mais il était aussi un peu … disons inquiétant. Heureusement, deux nouvelles maisons se garnissent coup sur coup.
Martial, tout sourire (éclatant) dehors, et Marlène à la silhouette si jeune ; et un peu plus tard Léa.
Et enfin, le soleil fait son apparition … Mais l'été il fait chaud, trop chaud, et puis 3 maisons occupées sur cinquante c'est peu, et la foyer qui devait être un lieu de vie est fermé … Alors peu à peu les sourires se changent en grimaces, les frictions apparaissent, et avec elles les rancœurs, les secrets … La chaleur aidant, un rien fait monter la trouille, et ça finit par péter.
Imparable. Insensiblement, sans que l’on puisse dire à quel moment cela se passe, la farce se fait grinçante. Sans que cela soit vraiment une surprise car, comme toujours chez Pascal Garnier, sous l’apparente normalité on discerne, en sourdine, une petite musique inquiétante qui agace les oreilles et empêche de sourire en toute tranquillité.
La progression est impeccable, le cadre, géographique et surtout humain, oscille en permanence entre risible et pathétique, et les personnages sont croqués de façon à la fois impitoyable, et pleine de tendresse. On sourit, mais on sourit jaune tant ces personnages sont proches de nous tout en ayant l’air de caricatures. On se moque de leur enfermement, des phobies qu’il occasionne, des douleurs qu’il fait remonter, mais on ne peut s’empêcher de se reconnaître tous un peu, ici ou là.
On les trouve à la fois ridicules, pathétique et touchants ces vieux, et quand le drame arrive, là où, bien entendu, on ne l’attendait pas, on le prend en pleine poire.
Une fois de plus, Pascal Garnier livre un concentré d’humanité, d’émotion, de noirceur que l’on lit vite, mais que l’on n’est pas près d’oublier.
Pascal Garnier, Lune captive dans un œil mort (Zulma, 2009).