La quatrième de couverture évoque un Scarface rasta, et c'est bien de cela qu'il s'agit tout au long des plus de cinq cent pages de Rasta gang, fiction fortement autobiographique de Phillip Baker.
New York, 1970. Danny Palmer, adolescent récemment arrivé de Jamaïque avec sa famille, se trouve pris dans un quartier où les antillais sont le bouc émissaire tout trouvé pour les bandes de noirs américains qui s'affrontent avec de plus en plus de violence dans une guerre de territoires sans merci. Démuni, il pense trouver un grand frère qui le protège et lui redonne sa fierté en Dave, un jeune adulte, lui aussi d'origine jamaïcaine, vedette du quartier et champion de foot. Mais Dave est envoyé au Vietnam et Danny se tourne alors vers les Rastafariens et rentre dans cette secte qui va le protéger et faire de lui un tueur. Suivra une carrière foudroyante dans le trafic de drogue et la violence.
Le roman n’est pas exempt de défauts. Il souffre surtout de quelques longueurs et aurait gagné à être resserré. Les récits de massacres finissent par être redondants dans leur horreur, et les passages sur la mystique rasta sont un peu lourds (mais il faut avouer que je ne suis pas très mystique !). C’est d’autant plus perceptible que je n’ai pu m’empêcher de penser aux romans secs comme des coups de trique d’Edward Bunker, la référence en termes de témoignage sur le monde des truands américains.
Malgré ce défaut, ce roman secoue et laisse des traces. On ne peut qu’être impressionné par cette peinture très crue et violente de la vie du ghetto noir dans les années 70. Un roman qui met l'accent sur une réalité peu connue, du moins en France, la xénophobie de toute une population noire américaine qui, bien que revendiquant un héritage noir, s'empresse de mépriser et de haïr ces mêmes noirs s’ils viennent d'arriver.
Cela donne plus de cinq cent pages d'une violence parfois insupportable. Dans un monde où la notion de solidarité, d'entraide, de partage n'existe pas, où l'ami d'un jour se transforme en l'ennemi mortel du lendemain, seuls comptent les armes que l'on a à la main, et l'argent dont on dispose. Pas de morale, pas de valeurs, un seul but, gagner encore et toujours plus.
Finalement, juste l’évolution ultime d’un beau monde capitaliste uniquement régulé par les lois de la concurrence libre et non faussée …
Phillip Baker / Rasta gang (Blood posse, 1994), Moisson rouge (2009), traduit de l’américain par Thierry Marignac.