N’ayez crainte, je ne me suis pas converti, et je ne suis pas tombé dans la soupe davincicodesque. Je vais pourtant dire du bien d’un thriller religieux ! Le testament syriaque, d’un auteur dont je n’avais, jusque là, jamais entendu parler, Barouk Salamé.
Paul Mesure est un journaliste parisien indépendant et fauché. Fauché, mais qui entrevoit la possibilité de faire fortune quand il récupère par hasard, lors d’un voyage à Tombouctou, un vieux manuscrit dont il espère bien tirer un bon prix. Sauf que ce manuscrit pourrait être une vraie bombe, et que les morts s’accumulent autour de lui. Aidée de son amie Sonia, il tente de tirer son épingle du jeux, mais va devoir accepter l’aide du commissaire Serge Sarfaty, érudit, spécialiste des religions, philosophe et poète. Autour d’eux, les services secrets pakistanais et américains mènent le bal …
Passionnant mais quel dommage. C’est ma première impression. Barouk Salamé tenait là un grand, grand bouquin. Il a seulement écrit un roman passionnant. La faute essentiellement à l’écriture, qui n’évite pas certaines maladresses, développe trop les pensées des personnages, leurs raisonnements, explicite trop leurs raisons. Si Barouk Salamé avait fait un peu plus confiance au lecteur, si quelqu’un avait corrigé ses maladresses qui ralentissent le récit, et alourdissent le style, il aurait écrit un grand roman noir.
Les personnages sont intéressants ; la construction est impeccable dans ses allers-retours, ses passages d’un personnage à l’autre et sa façon de construire le puzzle ; les scènes d’action sont parfaitement réussies.
Mais surtout, même pour un mécréant comme moi, le contenu est passionnant. Loin de surfer sur la mode nunuche des thrillers ésotérico-mistico-café du commerce, l’auteur livre un pavé (plus de 500 pages) ambitieux et complexe qui arrive à être passionnant d’érudition sans jamais donner l’impression de donner un cours. Un pavé qui ne se limite pas à une analyse religieuse et historique des fondements des trois religions du Livre, mais qui explore très finement leurs implications politiques et sociologiques, hier et surtout aujourd’hui. Un pavé qui ne fait pas l’impasse sur la réelle violence des islamistes, mais bouscule allègrement les clichés, et s’en prend surtout à un mal de plus en plus répandu : l’ignorance doublée d’inculture.
Sans jamais oublier qu’on est dans une fiction, et même dans un thriller, et qu’il faut donc donner envie au lecteur de tourner les pages. A ce titre, ce petit clin d’œil rend hommage à un maître du noir et revendique ouvertement son appartenance au genre : « A présent il s’appelait Denis Lehane … »
Passionnant donc, même si on a le sentiment d’être passé très près de beaucoup mieux.
Barouk Salamé / Le testament syriaque, Rivages/Thriller (2009).