Vieux motard que jamais comme on dit sur la route …
Au moment de sa sortie je n’avais pas lu ce bouquin dont on avait beaucoup parlé. Puis comme on me l’a offert, je l’ai lu. Je vais donc de ce pas vous parler de La route de Cormac McCarthy.
Inutile de s’étendre sur l’intrigue, tout le monde la connaît : Une catastrophe a tout détruit. Une couche de poussière et de suie recouvre tout, cache le ciel. Tout est gris et froid. Sur la route, un homme et son fils tentent de survivre et fuient l’hiver, en direction du sud. Ils ne croisent que désolation, solitude, et quelques survivants, transformées en bêtes sauvages. L’homme n’a qu’un seul et unique but : la survie du petit.
Sec, glaçant et impressionnant. Une prose au service d’une histoire. Une prose aussi grise, sèche et désolée que le paysage. Aussi dépourvue de chair que les corps émaciés des survivants. Aussi dépourvue de joie que le monde décrit.
On prend ce bouquin en pleine poire. C’est une vision désespérée et désespérante. C’est aussi une vision très américaine pour supposer ainsi qu’en cas de catastrophe, nul réflexe de solidarité ne subsisterait, que ce ne serait plus que chacun pour soi. Seul le petit, l’enfant vierge de souvenirs du monde d’avant, tend instinctivement à aider les épaves qu’ils croisent. Seule son influence empêche le père de sombrer définitivement dans l’inhumanité.
Des latino-américains auraient écrit un roman avec beaucoup plus de sang, de fureur et de rage, mais ils auraient également mis en scène des communautés qui cherchent à reconstruire quelque chose, ensemble. Cormac McCarthy écrit ce lent et inéluctable naufrage, d’une froideur absolue, totalement dédramatisé, au sens où il n’y a aucun ressort dramatique ou presque, ou rien ne vient rider la surface grise et lisse de l’horreur totale. Pas de cri, pas de révolte, pas de hurlements, pas d’explosions. Quelques sanglots, la peur, la pluie et une toux, rien de plus. Aucune aide à attendre, de personne.
Ce n’est pas un livre agréable, pas un livre que l’on relira, même pas forcément un livre qu’on aime, mais c’est un livre qu’on ne peut lâcher, et qu’on ne risque pas d’oublier.
Petit mouvement de mauvaise humeur quand même : l’édition de poche (points) que j’ai eu dans les mains est truffée de coquilles : mots coupés en deux, mots collés, lots compressés … Au point qu’il y a même parfois des mots qui manquent carrément. Une honte.
Cormac McCarthy / La route, (The road, 2006) Points (2009), traduit de l’américain par François Hirsch.