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14 septembre 2009 1 14 /09 /septembre /2009 22:00

Passer d’Ernesto Mallo à Pablo de Santis, c’est faire le grand écart aux deux extrêmes du polar argentin. Le premier, proche de la rue, très politisé est dans la droite ligne du nouveau polar latino-américain dont le père est Paco Ignacio Taibo II. Le second est plus philosophique que politique, et s’inscrit clairement dans l’héritage de Borges et Bioy Casares.

Sigmundo Salvatrio est le fils d’un cordonnier de Buenos Aires. Il a toujours été fasciné par les récits des exploits des détectives privés, et en particulier par ceux des plus grands d’entre eux, rassemblés au sein du Cercle des Douze. Lorsque Renato Craig, l’un des fondateurs du Cercle, ouvre un cours pour devenir détective, Sigmundi se précipite. Et quelque mois plus tard, en 1889, c’est le miracle, son maître malade le choisit pour aller le représenter à Paris, où le Cercle des Douze doit se réunir pour la première fois au complet à l’occasion de l’exposition. Sigmundo va y rencontrer ses idoles et leurs assistants et se retrouver pris dans une affaire qui commence par le meurtre d’un détective au pied de la Tour de Monsieur Eiffel. Cette première enquête va le plonger au cœur des rivalités entre détectives, et lui faire rencontrer d’étranges personnages, membres de sectes aussi ésotériques que variées.

Comme je l’ai donc écrit plus haut, Pablo de Santis, brillant comme à l’accoutumée, se place dans la droite ligne d’un Borges, avec ce roman policier qui rend hommage aux vieux maîtres des romans de détection. A la fois respectueux et distancié, il retrouve le ton et le style d’alors, s’amuse à multiplier les fausses pistes, joue des clichés et des archétypes.

Au-delà du plaisir ludique, il décrit un monde arrivé à un tournant. Ce moment charnière se trouve symbolisé par la Tour Eiffel qui cristallise les haines de ceux qui ne veulent pas entrer dans une époque qu’ils ressentent comme hostile, une époque qui va peu à peu supprimer mystère et magie pour les remplacer par la science et la technique. Une époque que les détectives incarnent, eux qui sont sans cesse à la recherche de la vérité et qui veulent tout expliquer.

C’est dans ce mélange des genres, dans sa façon de rendre hommage à une forme de littérature populaire tout en faisant œuvre d’érudition que Pablo de Santis est brillant : à la fois ludique et cultivé, respectueux et iconoclaste (ses détectives sont subtilement différents de leurs prédécesseurs, ils ont été touchés par le crime et ne peuvent plus prétendre être de purs esprits), il livre un exercice de haute voltige maîtrisé avec art.

Pablo de Santis / Le cercle des douze, (El enigma de Paris, 2007) Métailié (2009), traduit de l’espagnol (Argentine) par René Solis.

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commentaires

B
ca aurait pu être un livre très intelligent et très brillant mais je l'ai trouvé trop en surface. C'est dommage parce que j'avais une hâte de le lire. Je me suis un peu ennuyée malgré les quelques passages très sympa notamment sur les explications du "métier" de détective. Je n'ai pas accroché, je m'attendais à beaucoup plus. Je lirais d'autres livres de l'auteur pour me faire une idée plus juste de son travail.
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J
<br /> Les deux autres romans que j'ai lus de lui sont assez proches de celui-là : très référencés, érudits et plus "cérébraux" qu'en chair et en os si l'on peut dire. Borgessiens en bref.<br /> <br /> <br />

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