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16 septembre 2009 3 16 /09 /septembre /2009 12:34

C’est sur le blog de Marc Villard que j’ai remarqué Un pied au paradis de Ron Rash. Ce qu’il en disait m’a donné envie, je n’ai pas été déçu.

 

Nous sommes dans les années cinquante, quelque part à la frontière entre la Caroline du Nord et la Caroline du Sud. Une terre qui fut enlevée aux Cherokee. Les paysans qui la travaillent sont sur le point d’en être dépossédés à leur tour. La compagnie électrique Carolina Power rachète les terres pour construire un barrage. C’est dans cette atmosphère tendue que le shérif Alexander, fils et frère de paysans, enquête sur la disparition de Holland Winchester, un ancien soldat fauteur de troubles. Un drame raconté à cinq voix, par le shérif, son adjoint et trois des protagonistes.

 

Etonnant comme cette description de l’Amérique rurale des années cinquante ressemble à celle des années trente de Steinbeck ou du Honky Tonk Man de Eastwood. Même âpreté, même dureté au travail, même attachement à une terre pourtant difficile, même sensation d’être dans un pays qui n’a rien à voir avec les grandes métropoles.

 

Tout cela très bien rendu par une langue qui colle au parler rural. L’auteur est prof d’université, mais son écriture sonne vrai, les dialogues fonctionnent parfaitement, sans qu’on n’ai jamais l’impression d’être face à un exercice artificiel.

 

Et c’est cette écriture, et le changement de narrateurs, qui rend aussi tangibles les non dits d’une époque et d’un lieu qui ne se prêtaient pas à l’expression des sentiments. Qui rend tangibles le poids de la religion, des superstitions et du regard des autres. Qui rend tangibles aussi la relation à la terre, l’odeur de la pluie, la douleur après un journée de boulot, la texture de la terre, le goût d’un pain de maïs, le désespoir devant la sécheresse et le bonheur quand enfin la pluie vient sauver la récolte, et par là même la survie d’une famille.

 

C’est âpre, rugueux comme du Larry Brown (même si Ron Rash n’a pas la même densité ni la même puissance), avec cette façon qui était la sienne de raconter les histoires de gens dont on ne parle jamais, qui ne sont jamais les héros de rien, et de les rendre passionnantes et émouvantes.

 

Une belle découverte.

 

Ron Rash / Un pied au paradis, (One foot in Eden, 2002) Editions du Masque (2009), traduit de l’américain par Isabelle Reinharez.

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commentaires

C
<br /> Déjà qu'on est la capitale du rock (rires!!!!), on va devenir la capitale du livre: on a de sacrés auteurs ici (VGE, Jean Anglade, Claire Chazal,etc...)<br /> <br /> <br />
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C
<br /> Je le relis donc j'en parlerai...Pas grand chose à voir du point de vue de l'écriture mais plutôt sur certains pans de la thématique comme je disais plus haut. Là aussi, on a droit à un auteur à la<br /> la croisée des genres (la blanche et le noir, pour résumer). En fait d'après-midi, je change de style: rencontre à Clermont Ferrand avec Padura dans une Librairie indépendante....Bonne journée!<br /> <br /> <br />
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J
<br /> Padura, quelle chance. Bonne rencontre.<br /> <br /> <br />
C
<br /> Je viens de le terminer aujourd'hui. C'est loin d'être mauvais mais ce n'est pas un chef d'oeuvre non plus. J'avais été plus marqué dans le genre "rural et secret caché" par Montana 1948 de Larry<br /> Watson (que je vais me refaire histoire de vérifier mes impressions). Très bon rendu des non-dits, justement, chez Rash mais je trouve que parfois le parler "white trash" est un tout petit peu<br /> trop. Je voudrais bien voir le texte en VO...<br /> <br /> <br />
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J
<br /> D'accord avec tout ça. Et sans avis sur le Larry Watson dont je n'avais jamais entendu parler. Encore un auteur à découvrir !<br /> <br /> <br />
C
Au détour des lignes ,on parle de Larry Brown ,Woodrell. Il ne manque plus qu'une référence au "petit copain" de Donna Tartt pour que je me précipite chez mon libraire.
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J
<br /> J'ai lu, il y a très longtemps, un excellent Donna Tartt, mais pas celui-là et sur un tout autre sujet.<br /> Effectivement on est dans l'univers et les personnages type Woodrell, Larry Brwn, Caldwell, ou même certains Harry Crews ... A et j'oubliais aussi les nouvelles de Chris Offut.<br /> Avec quand même un peu moins de puissance et de densité, mais ce sont de très bonnes références.<br /> <br /> <br />
M
Et pour aller plus loin et tenter de mettre quelques images sur ces campagnes américaines misérables et abandonnées, je vous conseille le travail du photographe Eugene Richards "The Blue Room" sur les fermes désertées par leurs habitants. Vous pouvez en avoir un avant goût là : histoiresdevoir.com/2009/01/18/the-blue-room-d'eugene-richards/<br /> Amicalement
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J
<br /> Merci beaucoup pour le lien. J'irai y faire un tour.<br /> <br /> <br />

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  • : Il sera essentiellement question de polars, mais pas seulement. Cinéma, BD, musique et coups de gueule pourront s'inviter. Jean-Marc Laherrère
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