Suso de Toro est un auteur espagnol très discret. Du moins en France où Ambulance vient de sortir chez Rivages. Seul un autre titre Land Rover avait été traduit auparavant.
Le polar nous a habitué à croiser la route de paumés, de perdants parfois pathétiques, parfois flamboyants. Petete et Gringalet sont de la famille des pathétiques. Le jour même où ils sortent de prison ils attaquent une station service avec un flingue non chargé mais tuent le gardien d’un coup de barre de fer. Pas très malin. Manque de chance, au même moment, une bombe explose dans une banque de la ville. Tous les accès sont bloqués par les flics, et Petete c’est fait une entorse. Les voilà coincés dans Saint-Jacques de Compostelle grouillante de flics. Sans amis, sans argent et sans endroit où se réfugier. La suite était « courue d’avance ».
« C’était couru d’avance », c’est le titre de trois des sept chapitres du roman. Et c’est vrai que les deux zigotos sont tellement pitoyables, bas de front et, pour couronner le tout, malchanceux, que la fin était inévitable …
Une dérive au gré de la douleur de la cheville de Petete, de ses choix tous plus catastrophiques les uns que les autres. Au gré de ses monologues aigris et geignards. Au gré aussi de la traque menée par un flic asthmatique, ripoux et méchant comme une teigne. Presque aussi bête que méchant d’ailleurs. Le lecteur oscille entre un léger sourire (jaune, mais sourire) devant l’avalanche d’emmerde et la stupidité des réflexions de Petete, et une pitié tintée de dégoût, ou pour le moins de mépris.
Ils sont tous affreux, sales et méchants, il pleut sur Saint Jacques, les témoins sont mesquins … Bref il n’y a rien ni personne à sauver, sauf un brave corniaud. Une vraie pépite noire au goût bien acidulé.
Suso De Toro / Ambulance (Ambulancia, 2002), Rivages/Thriller (2013), traduit de l’espagnol par George Tyras.