Matthew Stokoe, déjà traduit par Antoine Chainas avait fait irruption en 2012 avec un roman terrifiant, La belle vie. Cela avait été l’occasion ici d’un échange avec Aurélien Masson et Antoine Chainas. Il revient en ce début 2014 avec un nouveau roman Empty Mile, où il change complètement de style et de propos.
Suite à un événement traumatisant, Johnny Richardson a quitté la petite ville californienne de Oakridge. Huit plus tard il revient, rongé de remords, retrouver son père, son plus jeune frère Stan et son amour de jeunesse. Et essayer de réparer les tords causés. Peu de temps après son retour, son père disparaît après lui avoir parlé d’un terrain en bordure de la ville qu’il vient d’acquérir, et Johnny s’aperçoit qu’il est la cible d’une vendetta sans pitié. Il va devoir comprendre ce qui se trame pour sauver ce qui peut encore l’être.
Impressionnant de voir la différence entre les deux romans de cet auteur anglais. Autant La belle vie est complètement déshumanisé, totalement dépourvu d’empathie et de sentiment, autant celui-ci vous prend au trippes. Autant le premier frappe par sa froideur et le vide des personnages, autant celui-ci est émouvant.
Cela commence avec les personnages. Stan et Rosie resteront pour moi parmi les grands personnages noirs, de la trempe d’un Lennie, c’est dire. Mais tous les autres aussi, tous rongés par la douleur, la culpabilité, l’impossibilité à exprimer certains sentiments, la rage, la vengeance, l’amour et la haine, la confiance aveugle ou le doute … Tout cela est mis à nu page après page et vous retourne le cœur.
Et quelle putain d’histoire ! J’ai vu chez les Unwalkers qu’un des chroniqueurs parlait de nœud coulant. C’est bien l’impression que l’on a, ou celle de sables mouvants. Quoi que fasse Johnny, le nœud se resserre, il s’enfonce un peu plus, entrainant à sa suite ceux qu’il aime. Désespérant, implacable, jusqu’au final inévitable.
Autant il est difficile de conseiller aveuglément La belle vie, autant là je peux y aller sans crainte : lisez Empty Mile.
Matthew Stokoe / Empty Mile (Empty Mile, 2010), Série Noire (2014), traduit de l’anglais par Antoine Chainas.