Les nouveautés c’est bien, c’est très bien même, mais le travail de réédition, quand il est fait intelligemment, c’est très bien aussi. La collection de poche des excellentes éditions Gallmeister a commencé le travail de réédition de celui qui est un peu l’oublié des grands fondateurs du polar américain, à savoir Ross Macdonald et son privé Lew Archer. Ca commence avec Cible mouvante.
Lew Archer, ancien enquêteur public devenu privé, est installé à Los Angeles. Il est contacté par la richissime femme d’un magnat du pétrole. Son mari a disparu depuis la veille. Ce n’est pas la disparition de l’époux, dont elle n’a pas grand-chose à faire qui inquiète la dame. C’est qu’il était complètement saoul la dernière fois qu’on la vu, et que quand il est bourré il devient philanthrope et a tendance à distribuer généreusement sa fortune. Et ça c’est inacceptable. De villas somptueuses en rades crades, d’escrocs astrologues à trafiquants d’être humains, Lew Archer va avoir un aperçu du monde des californiens très fortunés.
Moins connu que Dashiell Hammet et Raymond Chandler, peut-être tout bêtement parce qu’il a été moins adapté au cinéma, Ross Macdonald avec son Lew Archer n’en reste pas moins un des grands fondateurs du personnage du privé. Je les avais découverts, dans la collection « grands détectives » chez 10x18 au moment où je me lançais dans le polar. Ils faisaient déjà partie de ce qu’on pourrait appeler l’histoire ancienne. Ils avaient déjà bien vieilli. Cela n’a pas changé.
Pas de crainte à avoir donc, les aventures d’Archer tiennent toujours la route. Certes, on en a vu d’autres, des privés, mais celui-ci est un des premiers. Et cet épisode est particulièrement représentatif de la série.
Tout d’abord dans la construction du personnage, moins hard boiled que Philip Marlowe ou Sam Spade, plus « commun » d’une certaine façon. Lew Archer n’est pas un tombeur, ce n’est pas non plus un dur. Il a un flingue mais s’en sert très peu (voire pas du tout), prend plus de coups qu’il n’en donne. Ses armes, sont la parole, une grande indépendance vis-à-vis des autorités et de ses employeurs, et une ténacité à toute épreuve.
Ensuite dans sa façon de partir d’une histoire intime, familiale, pour dresser le portrait de toute une société. Ross Macdonald ne porte aucun jugement. Il décrit une famille de l’aristocratie du fric américaine, sans un mot de trop. La description parle d’elle-même. Il nous montre qu’il n’y a pas grand-chose de nouveau sous le soleil et que l’arrogance, l’impunité et la rapacité ne sont pas nouvelles …
A découvrir et à avoir dans toute bonne bibliothèque polar, au côté de Moisson Rouge et du Grand sommeil.
Ross Macdonald / Cible mouvante (The moving target, 1949), Gallmeister/Totem (2012), traduit de l’américain par Jacques Mailhos.