Jusqu’à présent j’étais passé à côté des romans de Philip Kerr, malgré les critiques très élogieuses lues ici et là, en particulier à propos de la trilogie berlinoise. La sortie de son dernier roman, Hôtel Adlon était l’occasion de commencer à corriger cette erreur. J’avoue que je suis un peu resté sur ma faim …
1934. Bernie Gunther est un peu trop démocrate, pas assez nazi pour rester dans la police. Il trouve un poste de détective à l'hôtel Hadlon, l'un des plus beaux de Berlin. Un boulot souvent ennuyeux, parfois embêtant quand il faut fermer les yeux sur les éclats des nouveaux maîtres du pays. Mais un boulot sans risque. Jusqu'à l'arrivée de Noreen, superbe journaliste américaine, grande amie de la patronne de l'hôtel, qui veut montrer à l'opinion américaine ce que les nazis font aux juifs et faire ainsi pression pour que son pays boycotte les jeux de 1936. Le corps d'un boxeur juif retrouvé sans vie dans un canal pourrait faire une bonne histoire de départ. Bernie accepte de l'aider, parce qu'elle est très belle, parce qu'il s'ennuie, et parce qu'il aimerait bien porter un coup aux pouvoir. Sans se douter qu'il va mettre le pied dans un véritable nid de serpents …
Me voilà donc un peu déçu par Philip Kerr, pas aussi enthousiaste que ce que j’espérais. Ce qui ne veut pas dire non plus que je n’ai pris aucun plaisir. Je vais vous la jouer devoir appliqué de 2°.
Thèse : J'ai aimé la reconstitution historique, celle de la première partie, Berlin en 1934. On ressent bien l’ambiance berlinoise, la tension croissante, la violence de plus en plus ouverte des nazis et de ceux qui, par peur, lâcheté, intérêt ou adhésion se mettent à taper allègrement sur les boucs émissaires désignés. Et puis j’y ai appris pas mal de choses sur les magouilles qui ont entouré les JO de 36. Déjà. Corruption des membres du CIO (ou l’équivalent de l’époque), pots de vin liés aux constructions de stades, saloperies en tous genres envers les ouvriers … rien de nouveau sous le soleil me direz-vous, mais certaines choses gagnent à être dites. Et elles sont bien dites.
Antithèse : La seconde partie, en 54 à La Havane m'a moins convaincu. Intrigue un poil forcée, liens avec la première partie parfois tirés par les cheveux, quelques coïncidences un peu grosses, et puis la description est plus convenue, moins inattendue … Cuba, bordel de l'Amérique et tenue par la mafia, on le savait déjà ... Sur l’ensemble une autre critique : le recours dans la narration au jeu de mots et à la comparaison qui tue un peu systématiques, à la manière des voix off des privés hardboiled de cinéma. Un style qui peut passer, sur le fil du rasoir, mais qui peut rapidement devenir artificiel, et c’est parfois le cas ici (c’est du moins comme ça que je l’ai ressenti).
Synthèse : Je l’ai lu sans déplaisir, avec même un vrai plaisir par moment, mais sans pour autant arriver à m’enthousiasmer.
Philip Kerr / Hôtel Adlon (If the deadrise not, 2009), le Masque (2012), traduit de l’anglais (Ecosse) par Philippe Bonnet.