On ne peut nier qu’Aurélien Masson imprime sa marque à la série noire, et lui donne une tonalité particulièrement sombre. Après les polars politiques glaçants et dérangeants de Di Rollo et Leroy, voici un roman noir d’une beauté vénéneuse, dans la lignée Chainas. C’est Le jour du fléau, premier roman à paraître à la série noire de Karim Madani.
Paco Rivera, flic de la brigade des mineurs d’Arkestra est à la dérive. Depuis que Katia, l’indic dont il était amoureux a été massacrée par des trafiquants colombiens il tient grâce au mélange Jack Daniels – sirop pour la toux. Il voit une possibilité de rédemption quand on lui confie, avec sa partenaire, l’enquête sur la disparition de Pauline, jeune fille de 16 ans dont les parents n’ont plus de nouvelles.
En fait de rédemption, c’est une descente définitive en enfer, dans un monde de dealers, camés, trafiquants, prédateurs sexuels et flics pourris jusqu’à la moelle.
Karim Madani revendique explicitement dans le texte l’influence de Sin City et du Gotham des Batmans les plus sombres. On pense aussi aux villes et aux héros d’Antoine Chainas (en particulier à Paul Nazutti, lui aussi flic dans une brigade des mineurs) au flic de Bad Lieutenant ou aux pires moments des Harry Hole, Harry Bosch et autres quatuor de Los Angeles. Vous voilà avertis.
Une fois ces références posées on peut, soit être en présence d’une pâle recopie, d’un imitateur qui exploite un filon qui lui semble prometteur, soit avoir un vrai roman écrit par un écrivain qui sait reprendre les dites références à son compte. Avec Le jour du fléau, on est dans ce second cas de figure.
Karim Madani s’approprie les mythes et les clichés, les fait siens, les coule dans son monde et dans son écriture. Son Arkestra imaginaire devient sa ville, miroirs de toutes les villes, de tous les quartiers à la dérive, de tous les quartiers que l’a police assainie pour y implanter Starbucks cafés et bars à sushi, cachant chaque fois la misère, la crasse et la violence un peu plus loin.
Comme ses prédécesseurs Paco Rivera est attachant et dérangeant, dérangeant parce qu’attachant, parce qu’on ne le comprend que trop, parce qu’on finit par accepter sa loi du talion, parce qu’on comprend trop sa violence et sa rage kamikaze dans un monde où l’argent met certains au dessus des lois et hors de portée de la plus élémentaire justice.
Comme beaucoup de romans de la série noire façon Aurélien Masson, celui-ci n’est ni agréable ni rassurant, mais il possède une beauté ténébreuse et une réelle puissance d’évocation. A lire, un jour de soleil …
Karim Madani / Le jour du fléau, Série Noire (2011).