Comme Jeanjean qui en parle très bien sur moisson noire, j’ai découvert Philippe Huet avec Bunker. L’ivresse des falaises révèle une autre facette de son talent : il est aussi à l’aise dans le court, que dans le long.
Un facteur ouvre certaines lettres, et finit par lire quelque chose qu’il préfèrerait ignorer. Un vieil homme emporte dans sa tombe un secret vieux de cinquante ans. Un représentant de commerce tombe désespérément amoureux. Un écrivain en manque d’inspiration accepte, un peu vite, d’aller s’isoler dans une vieille bâtisse. Un journaliste déprimé croise un peu trop souvent le chemin de futurs cadavres … Et quelques autres personnages. Tous se démènent en Normandie, à la ville ou à la campagne, à l’intérieur ou sur la côte touristique. Ils sont normands ou récemment arrivés. Ils ont tous en commun de prendre vie sous la plume de Philippe Huet.
Des nouvelles aussi diverses que les personnages et les lieux, allant du mini roman policier avec mystère, enquête et, parfois, résolution, à la chronique de village, en passant par celle d’une folie annoncée. Toutes sont impeccablement construites, avec un sens de la chute qui ne se dément jamais.
Chacun aura ses préférées. Pour ma part, celles qui me touchent le moins sont les enquêtes qui pour arriver à construire une bonne intrigue sont obligées de sacrifier l’épaisseur des personnages (difficile de tout faire en si peu de pages). Elles raviront les amateurs du genre. Tout comme seront enchantés les fans de Lupin, que l’auteur salue fort élégamment.
J’ai par contre un gros faible pour les autres, les très sombres, celles qui gravitent aux limites de la folie, de la rupture. Celles qui en quelques lignes disent un gros village qui se tait, qui mettent en scène une Normandie qui semble avoir peu changé depuis maître Maupassant. Philippe Huet n’est pas écrasé par cette référence, bien au contraire, il se pose grâce à ce recueil en digne héritier.
On peut faire pire non ?
Philippe Huet / L’ivresse des falaises, rivages noir (2009).