Pour des générations de cinéphiles, Délivrance c’est le film inoubliable de John Boorman. Et ce n’est qu’en 2013, grâce au travail des éditions Gallmeister que je découvre que c’est à l’origine un roman de James Dickey. Shame on me !
Est-il nécessaire de résumer l’intrigue ? Rapidos alors. Quelque part dans une petite ville des US, quatre copains partent pour descendre une rivière dans les montagnes. Ce sera la dernière fois, la vallée sera bientôt noyée sous les eaux d’un barrage. Dès l’arrivée, le contact avec les locaux est inquiétant. Mais la rivière est belle, le soleil et l’eau sont au rendez-vous … Jusqu’à ce que les choses se gâtent et que la balade virile entre copains tourne au drame et à la lutte pour la survie.
J’avoue avoir ouvert ce roman avec un mélange d’impatience et de crainte. Impatience de voir d’où était tiré ce film qui nous a tant marqué, crainte que le résultat soit décevant. Autour de moi, et de vous sans doute aussi, tout le monde a vu le film. J’imagine que tous ceux qui passent par ici l’ont vu également. Mais au cas où, lecteur de passage, sache que dans n’importe quelle conversation autour d’un roman, d’une BD, d’un film ou de quoique ce soit qui se déroule dans une campagne américaine reculée et hostile, on finit toujours par entendre la phrase : « on se croirait dans Délivrance ». C’est inévitable, obligatoire, incontournable.
Voilà pourquoi j’étais inquiet et impatient. Maintenant que j’ai refermé le bouquin, je suis rassuré. Nous sommes dans une de ces rares, très rares occasions où le roman et le film qui en est tiré sont deux monuments.
Ce que le roman apporte par rapport au film, c’est essentiellement la description des sensations : la douleur d’un corps soumis à rude épreuve, le sommeil, la fatigue, la faim, la panique dans l’eau, les muscles qui se tétanisent lors de l’ascension de la falaise … A part cela les deux sont très proches, et pourtant cela vaut la peine de lire Délivrance, même si on a vu le film mainte fois.
Etonnant cette force du roman qui arrive à nous passionner, à nous faire frémir, à transmettre une tension alors même qu’on sait exactement ce qui va se passer, quand et comment. Etonnante force évocatrice, bien à la manière des auteurs de chez Gallmeister, qui sait si bien rendre la beauté fascinante mais en même temps terrifiante de la nature américaine.
Le récit s’enrichit d’une réflexion sur le vide des vies contemporaine, mais également sur l’illusion d’un possible retour à la nature. Certes la vie quotidienne est bien vide et fade dans cette petite ville des US, mais la nature n’est pas spécialement bienveillante, et les hommes qui y vivent plutôt hostiles, c’est le moins qu’on puisse dire.
A lire donc, avant de se revoir le film.
James Dickey / Délivrance (Délivrance, 1970), Gallmeister (2013), traduit de l’américain par Jacques Mailhos.
PS. A noter également chez Gallmeister le roman d’où a été tiré Rambo. Je le garde pour les vacances.