Un des belles découvertes de la rentrée. Certainement le roman le plus dépaysant. Et avec ça passionnant. Plongez dans la nuit polaire et suivez la Brigade des rennes avec Le dernier Lapon d’Olivier Truc.
Kautokeino, Laponie, quelque part entre Norvège, Suède et Finlande. Après 40 jours sans voir le soleil, les habitants attendent avec impatience le lendemain où ils auront 27 minutes de soleil. Le jour où ils auront de nouveau une ombre.
Klemet fait partie de la brigade des rennes, chargée de régler les conflits entre les différents éleveurs qui se répartissent sur l’immensité. Mais en ce jour particulier sa mission va changer. Au musée du centre culturel un tambour de chaman cédé il y a peu par un camarade d’expédition de Paul Emile Victor vient d’être volé. Voilà qui ravive les conflits entre la communauté samie et les norvégiens qui se laissent de plus en plus tenter par le parti d’extrême droite national. Quand Mattis, un berger de rennes misérable est retrouvé mort dans son campement les tensions augmentent, et la tâche de Klemet et sa coéquipière se complique encore. L’enquête sera longue, et fera remonter à la surface de vieilles histoires et les rivalités et haines de toujours.
Si ce roman se démarque en cette rentrée, ce n’est ni par son écriture, classique (ce n’est pas un critique !), ni par sa construction fort bien maîtrisée, passant d’un lieu et d’un personnage à l’autre, mais là aussi, relativement classique. Pas non plus par la conduite de l’intrigue, là aussi sans défaut, avec son démarrage lent, sa montée du suspense, et son crescendo final orchestré de main de maître. S’il n’y avait « que » cela, on aurait entre les mains un très bon polar bien écrit et bien construit, et ce serait déjà très bien.
Mais Le dernier lapon est plus que cela. Parce qu’il nous plonge, tête baissée, dans ce grand nord que nous ne connaissons absolument pas. Là encore, s’il se contentait de décrire, fort bien, la nuit polaire, le froid, la vie inimaginable des bergers de rennes lapons, le premier soleil de l’année, la beauté et l’immensité d’un paysage enneigé … Ce serait déjà magnifique.
Mais il y a encore plus ! Il nous fait découvrir toute une histoire qui nous est totalement inconnue, même si, à la réflexion, elle est tristement classique : Celle de la colonisation du grand nord par les scandinaves, au détriment de population d’origine, les nomades samis.
Evangélisation musclée, intégration forcée à la culture dominante, en s’en prenant aux enfants, envoyés de force dans une école qui leur interdit de parler leur langue, spoliation des ressources, travail forcé dans des mines … Sans compter maintenant que certains commencent à revendiquer des droits, racisme exacerbé et montée de partis d’extrême droite xénophobes. Refrain tristement connu, mais que j’entends pour la première fois chanté en norvégien …
Découverte également de la vie et de la culture d’une population européenne (et oui, c’est chez nous tout ça), qui ne comprend pas les notions de frontières qu’on veut lui imposer et qui, peu à peu perd ses repères sans arriver vraiment à en acquérir de nouveaux.
Tout cela est fait très intelligemment, au travers du regard d’un Lapon qui s’est un peu écarté de sa culture, et d’une « étrangère » ouverte qui découvre et pose les questions que se pose le lecteur. Intelligemment et sans manichéismes, la société samie étant montrée sans angélisme, avec ses injustices et ses conflits internes.
Bref, si vous voulez du dépaysement, si vous voulez apprendre en passant un excellent moment, si vous cherchez une belle histoire qui vous rendra moins ignorants, vous avez trouvé.
Olivier Truc / Le dernier lapon, Métailié (2012).