Un nouveau roman de cette très riche et très belle rentrée. Un roman inclassable, impossible à ranger dans une petite case. Thriller ? Roman Noir ? Politique fiction ? Roman d’apprentissage ? Roman onirique ? Métaphorique ? Scintillation de l’écossais John Burnside est tout cela, et bien plus …
Quelque part au bord de la mer l’Intraville, quartier laissé pour compte, au bord des bois empoisonnés par l’Usine Chimique aujourd’hui abandonnée. Y vivent d’anciens ouvriers qui meurent d’avoir travaillé, et des gamins qui n’auront jamais de boulot dont pas grand monde ne s’occupe. Livrés à eux-mêmes, ils sont plus souvent sur le site industriel condamné qu’à l’école.
Alors quand des garçons commencent à disparaître, personne ne s’inquiète, pas même leurs parents. Seuls les copains ont peur et cherchent à savoir. Particulièrement Leonard, adolescent atypique, grand lecteur et amateur de vieux films. Mais que peut-il faire tout seul ?
Attention, Scintillation demande un petit effort. Ce n’est pas un livre qui se dévore, mais qui se déguste, page après page. Parce que l’abord est dense et déroutant, et parce qu’il ne propose aucune solution, aucune résolution. Comme le dit un des narrateurs, à quelques pages de la fin : « Il ne m’a pas fait assoir pour m’exposer l’intrigue, en comblant tous les blancs, tel Hercule Poirot ou Sherlock Holmes une fois que le mystère a été résolu et les criminels appréhendés. »
Et puis l’auteur prend en permanence le lecteur à contrepied. Quand on commence à croire que l’Intraville, les Bois empoisonnés et l’Usine Chimique sont des lieux rêvés, métaphoriques, sans lien avec notre réel, il les ancre soudainement dans notre monde et notre époque au détour d’une phrase ou d’une référence précise. Pour nous replonger aussitôt dans une sorte de décalage et de flou propres au rêve.
Le récit oscille ainsi entre un monde onirique et une réalité sordide. Les valeurs, les frontières s’estompent, la mort et la laideur recèlent une étrange beauté, une mise à mort peut être un acte de miséricorde … Il faut accepter de se laisser emporter, bercer par ce rythme, par la beauté des phrases et des images, accepter l’irrationnel, le non dit. Il faut accepter de prendre en pleine figure une mort poignante, de ne pas tout comprendre, de faire confiance à ses émotions, et de fermer le roman sur une fin ouverte à toutes les interprétations.
En échange, quel bonheur de lecture … Un bonheur qui se prolonge tant Intraville, l’usine Chimique et Leonard vont vous hanter longtemps après avoir lu le dernier mot.
John Burnside / Scintillation (Glister, 2008), Métailié (2011), traduit de l’écossais par Catherine Richard.