Un premier roman qui, au vu du résumé, ne manque pas d’ambition. Allons-y. C’est Terminal Belz d’Emmanuel Grand.
Marko est ukrainien. Avec trois autres jeunes, il décide de rentrer illégalement en Europe. Mais quelque part en chemin les truands roumains qui les font passer violent la jeune femme qui est avec eux. Les trois hommes réagissent, tuent un des passeurs et partent avec le camion et l’argent du passage. Marko se retrouve à Lorient, sans papier, à la merci des policiers et poursuivi par un tueur de la mafia roumaine. Il trouve un boulot de marin sur l’île de Belz, auprès de Joël Caradec, patron pêcheur grande gueule qui a perdu son fils en mer. Une embauche qui ne plait guère aux autres iliens, et voilà Marko, en plus, en butte à l’hostilité des autochtones. Quand un pêcheur des plus revendicatifs est retrouvé mort, et que les vieilles légendes semblent resurgir, la situation de Marko s’assombrit encore plus …
L’ami Yan a aimé, Christophe Laurent est plus dubitatif, je me situerais entre les deux, avec quand même une tendance à pencher du côté du scepticisme.
Ca part très bien. Le démarrage de l’histoire dans ce camion, la claustrophobie (dès le départ), la violence des passeurs et la fuite. L’arrivée sur l’ile, la description de son quotidien, sa géographie particulière, ses habitants. Ça aussi ça part bien.
C’est ensuite que je trouve que le roman ne trouve pas sa voie, que la mayonnaise ne prend pas tout à fait : Pour commencer la traque par le tueur de la mafia roumaine a du mal à s’intégrer au récit principal.
Ensuite le côté fantastique revendiqué est une excellente idée, mais il est très casse-gueule. Pour un John Connolly qui arrive à distiller l’angoisse sans jamais utiliser le fantastique dans ses résolutions d’énigme, ou un Marc Behm qui fait résolument le choix de choisir un personnage principal « extra-ordinaire », nombreux sont les auteurs qui tombent dans le grand–guignol ou le mysticisme en peau de zébu. Et ici l’auteur n’échappe pas complètement à ces deux pièges même s’il ne tombe pas complètement dedans. Du coup, le fantastique ne fait pas peur, ce qui est quand même un comble, et certaines explications des légendes bretonnes sont un peu longues.
Pour finir, il me semble courir trop de lièvres à la fois. Le flic par exemple a une présence si légère qu’on se demande pourquoi il est là. Le conflit entre Marko et son père décédé également. Et ce qui semble être au centre du récit, à savoir le huis-clos sur une ile isolée du continent par l’enquête n’est pas assez approfondi à mon goût. J’aurais aimé sentir d’avantage la claustrophobie et la montée de l’angoisse. J’aurais aimé douter de la santé mentale des personnages, comme dans Shuter Island (je sais la référence est rude), j’aurais aimé ressentir le vent, le mal de mer, les embruns, la pesanteur des regards …
Au final, un premier roman ambitieux, prometteur, mais qui sur la longueur ne tient pas toutes ses promesses.
Emmanuel Grand / Terminal Belz, Liana Lévi (2014).