Il fut un temps, lointain, où j’allais régulièrement au ciné. Jusqu’à une à deux fois par semaines. Ce temps est révolu et je suis content maintenant quand je trouve le temps d’y aller … deux fois par an.
Et bien cette semaine, ce fut une des deux fois. Et une bonne. Ce n’est plus une nouveauté, mais si vous avez raté Une séparation de l’iranien Asghar Farhadi, qu’il passe vers chez vous et que vous avez une soirée de libre, précipitez-vous.
Vous avez dû déjà lire l’histoire partout … Iran, Téhéran sans doute. Un couple se sépare, lui cherche une personne pour garder son père frappé d’Alzheimer. La dame qui se présente fait une erreur assez grave, il la renvoie, le ton monte, il la pousse hors de chez lui, elle tombe … Et la mécanique s’enclenche.
Je ne connais rien à l’écriture cinématographique, je ne pourrais donc rien en dire sinon que tout semble « évident », ce qui est plutôt bon signe.
Par contre je peux faire un parallèle avec la littérature en ce qui concerne la narration, les personnages et le fond. Et là, tout est exceptionnel.
La narration pour commencer. Elle est menée de main de maître. Le spectateur passe son temps à douter des uns, puis des autres, puis de tous, avant de … Jamais une certitude ne dure, jamais un « camp » ne parait bon ou mauvais. Les mensonges, semi-mensonges, omissions, revirements s’enchainent avec une fluidité confondante. Et le final est d’une élégance rare. Vraiment rare. Je n’en dirais pas plus.
Les personnages sont superbement écrits (car il a bien fallu les inventer en premier lieu). Aucun manichéisme, aucun blanc et noir, que du gris. On les comprend tous, ils ont tous leurs raisons, ils sont juste broyés par la machine qui semble s’être mise en route toute seule et les joue, les uns contre les autres. Superbement écrits et magnifiquement interprétés ! De la pitchoune au papi, de l’intello éclairé au chômeur dévasté et religieux, tous, tous jouent juste, parfaitement juste.
Et pour finir le film dresse le portrait tout en finesse et en contrastes d’une société iranienne complexe. Certes le poids de la religion, au quotidien, dans tous les gestes de la vie. Mais aussi des gens qui semblent vivre, à très peu de choses près, comme ici. Une religion omniprésente mais des autorités comme ce juge ou ces flics plutôt plus humains et moins bornés que pas mal de ceux que l’on trouve ici … Bref une société que l’on sent en pleine mutation, sans que jamais un seul discours ouvertement politique ne soit tenu. Tout passe simplement par les personnages, en les regardant se dépatouiller avec les problèmes de la vie de tous les jours.
Bref un très beau film, à voir absolument.