J’aurai, lors du prochain TPS, le plaisir d’animer et/ou traduire (et peut-être un mélange des deux) une table ronde sur la frontière Mexique-US, et en particulier sur les meurtres de femmes à Ciudad Juarez avec Patrick Bard, auteur de La frontière, Marc Fernandez, co-auteur avec Jean-Christophe Rampal du documentaire La ville qui tue les femmes et l’inévitable et incontournable Paco Ignacio Taibo II qui donnera la vision mexicaine sur le travail de ces petits franchutes … Or je n’avais pas encore lu le doc, c’est chose faite.
Ciudad Juarez, sur la frontière entre les US et le Mexique. Paradis des maquiladoras, ses usines automobile et électroménager essentiellement qui exploitent une main d'œuvre taillable et corvéable à merci à deux pas (littéralement) du plus grand marché du monde. Fief des cartels de drogue les plus puissants du pays avec ceux de Tijuana.
Depuis 1993 des dizaines de femmes sont tuées chaque année, violées, torturées puis jetées ou sommairement enterrées dans le désert. Les parents ont beau faire, les associations nationales et internationales ont beau les appuyer, aucun coupable sérieux n'a jamais été arrêté par une police corrompue jusqu'à la moelle. Sans chercher (ce serait impossible pour eux) à trouver les coupables, les auteurs sont allé sur place tenter d'expliquer comment une telle situation peut perdurer.
Attention livre éprouvant. Parce que la situation décrite l'est. Parce que la violence subie par ces femmes est insupportable, parce la vie des survivants, amis, parents, ou simples habitants des mêmes bidonvilles misérables est insupportable. Parce l'impunité, la corruption, la violence d'une police pourrie jusqu'à l'os, de politiques vendus et de cartels surpuissants sont insupportables.
Malgré un effet inévitable d'accumulation les deux auteurs arrivent à ne pas lasser et à faire sentir à chaque page l'horreur, la rage et la peur face à l'arrogance et l'impunité des coupables, et la détermination, malgré tout.
Un document que l'on lit en apnée, happé par ce qui y est dit, pris dans le texte, et en même temps pressé d'en terminer avec l’atroce sentiment d'impuissance rageuse qui domine.
Marc Fernandez et Jean-Christophe Rampal / La ville qui tue les femmes, Hachette (2005).
Pour en savoir plus, vous pouvez aller voir le webdocumentaire que les auteurs ont consacré à cette affaire, ou aller sur le blog de Marc Fernandez. Et pour ceux qui seront du côté de Toulouse le week-end du 8-9 octobre, je pense que la rencontre sera de haute volée …