Comme je le dis ci-dessous, tout le monde va être servi. Avec L’évangile du billet vert de Larry Beinhart ce sont les évangélistes qui sont dans la ligne de mire. Et c’est bon !
Carl Venderveer est privé dans une ville moyenne du Sud-Ouest des US. Carl est aussi un « reborn », ancien flic alcoolo et drogué sauvé par Jésus, et l’église évangéliste (et télévangéliste) du très médiatique pasteur Paul Plowright. Pour lui, la vie n’est plus qu’une succession de certitudes. Jusqu’au jour où son ami Manny Goldfarb, avocat, lui demande de travailler avec lui à la défense d’un jeune homme américain d’origine iranienne accusé d’avoir tué un professeur de philosophie athée dont il suivait les cours. Malgré la pression de sa femme et de toute sa communauté, Carl accepte le boulot, sans savoir que son enquête va faire voler son univers en éclats.
Premier coup d’éclat de Larry Beinhart, nous faire apprécier, peu à peu, un héros qu’on n’inviterait pas spontanément à boire l’apéro chez soi. Voilà comment Carl se définit au début du roman :
« Manny, mes dimanches sont à Dieu, mes samedis à ma femme, et cinq jours par semaine, je trime pour le billet vert. »
Finalement un membre très représentatif de sa communauté. Une communauté que l’auteur décortique impitoyablement. Son analyse du fonctionnement des églises protestantes, grand soutien de l’ex président Bush est impitoyable. Sa description des croyants, pauvres gens souvent perdus, manipulés jusqu’au fanatisme est effrayante. Le pasteur et ses sbires, formés au marketing exploitent ce fanatisme, cette envie de se replier, entre gens bien, blonds, sains, croyants. De pouvoir vivre coupés du monde, avec leur propre ville, son église, sa fac, ses magasins, sa télé. Le monde extérieur n’étant plus qu’un territoire ennemi vers lequel on n’envoie que des soldats.
Autant dire que l’avenir qu’ils nous préparent si nous n’arrivons pas à remettre la raison au centre des débats fait froid dans le dos.
Mais n’allez cependant pas croire que le roman n’est qu’un pamphlet anti-religieux. Larry Beinhart est un écrivain, un vrai, formé qui plus est à l’école américaine qui sait construire des personnages, faire progresser une intrigue, « obliger » le lecteur à tourner les pages. Cela peut parfois donner des romans malins mais creux, mais quand c’est mis au service d’un vrai discours, cela ne fait que renforcer son impact. Comme ici.
On suit donc l’enquête avec autant de passion que d’effarement, on ressent le doute qui s’installe peu à peu dans la tête de ce pauvre Carl qui perd ses certitudes une à une et se retrouve de plus en plus seul.
Bref, comme avec Le bibliothécaire (je n’ai pas Reality Show) Larry Beinhart écrit un roman indispensable, passionnant et effarant.
Larry Beinhart / L’évangile du billet vert (Salvation boulevard, 2008), Série noire (2010), Traduit de l’américain par Samuel Todd.