Charlie Resnick revient (mais c’est vrai qu’il n’avait pas pris sa retraite), au même moment, John Rebus, le flic le plus tignous d’Edimbourg prend sa retraite, dans Exit Music de Ian Rankin.
Dix jours ! Pas un de plus. C’est ce qui sépare John Rebus de la retraite. Dans dix jours il ne sera plus flic. Et il ne pourra plus faire tomber Big Ger Cafferty, le caïd d’Edimbourg qu’il poursuit depuis presque trente ans. Une dernière occasion pourrait lui être donnée avec le meurtre d’un poète russe, particulièrement critique avec le régime et ses nouveaux oligarques, qui se trouvait en résidence en Ecosse. Juste avant sa mort, il a été vue en train de boire un verre avec Big Ger lui-même. Le caïd qui semble très copain avec un groupe d’hommes d’affaire russes en visite à Edimbourg. Les cibles privilégiées de la victime. Alors, le baroud d’honneur de Rebus ?
John Rebus part en beauté, dans un excellent épisode de la série. Style alerte, intrigues savamment entremêlées, peinture sans concession d’une Ecosse entièrement livrée au fric, aux banques, au mythe de la réussite économique comme seule valeur reconnue. Sous le vernis policé, c’est une société sans pitié que décrit Ian Rankin, où les riches et puissants font pression sur la police et la presse (Non ? Si !), où la revendication nationaliste est une façade pour mettre la main sur de nouveaux magots sous prétexte d’identité, où tous les faits et gestes sont filmés, archivés, dans le pays qui compte le plus de caméras de surveillance au monde. L’auteur a la dent dure, et ça fait du bien.
Le rock est toujours là, en soutien, et John piétine avec délectation les parterres bien arrangés des nouveaux riches, toujours cul et chemise avec les politiques, et plutôt bien avec la pègre, du moment qu’elle manipule beaucoup d’argent. Sa hargne fait merveille, le lecteur se réjouit de le voir envoyer chier la hiérarchie, mettre dans la mouise le nez d’un banquier arrogant, provoquer allègrement tous les gros bras qui pourraient pourtant l’écraser comme une mouche.
Même pas mal, même pas peur, incorruptible, capable d’être méchant comme une teigne, rétif à toutes les conventions imposées par le respect du fric, des chefs ou du politiquement correct, qu’est-ce qu’on l’aime ce Rebus. Ce Rebus qui parvient, parfois, à faire courber l’échine à tous ces infects pourris et intouchables qui, tous les jours, nous regardent du haut de leur fortune, avec morgue et mépris.
Merci John et Ian pour cette petite vengeance par procuration. Merci pour cet excellent épisode, à l’énergie réjouissante, et ce départ en beauté. Avant un retour sur les planches ?
Ian Rankin / Exit music (Exit Music, 2008), Le Masque (2010), traduit de l’anglais (Ecosse) par Daniel Lemoine.