Qu’est-ce qui fait que, sur une trame archi usée, un auteur arrive à vous passionner alors qu’à côté vingt tâcherons vous feront mourir d’ennui ? Mystère et boule de gomme. Toujours est-il que sur le thème tarte à la crème du gentil qui voit son passé (et un méchant) venir foutre en l’air une vie rangée, Je suis le dernier juif debout de Michael Simon fait partie des quelques élus (sans jeu de mot) qui sortent du lot.
Dan Reles est flic à la brigade criminelle d’Austin, Texas. Sa vie est déjà passablement compliquée mais il arrive à (presque) tout contrôler : Sa femme est alcoolique, son gamin de cinq ans est perturbé par les sautes d’humeur de sa mère. Au boulot, pas facile pour un juif de la région de New York d’être le chef d’une bande de bons texans blancs et baraqués.
Mais quand son père, Ben Reles, chauffeur et homme de main de la mafia juive de la côte est, débarque chez lui avec Irina, une prostituée russe, cette vie devient en enfer. Parce que Ben est poursuivi par Sam Zelig, parrain de cette mafia, totalement cinglé qui veut récupérer Irina. A tout prix. Même s’il doit pour cela mettre Austin à feu et à sang.
Disons que quand j’écrivais un gentil à la vie rangée j’exagérais un peu. Ce pauvre Dan a déjà quelques problèmes, mais rien en regard de ce qui va ensuite lui tomber sur le coin du nez. Car voilà du polar qui déménage ! Tonton Alfred disait que pour réussir un film policier il fallait réussir le méchant. Mission accomplie pour Michael Simon, son méchant est vraiment effrayant. Donc le bouquin fonctionne à fond, le lecteur tourne les pages, effrayé, effaré … enchanté.
Mais ce n’est pas tout. Ce qui fait de ce roman autre chose qu’un thriller de plus ce sont les personnages, tous les personnages. Le père, Ben, petit truand qui gagne peu à peu de l’épaisseur jusqu’à atteindre la stature d’un véritable héros, les collègues de Dan Reles, avec le lot habituel, très bien décrit, de mecs biens et d’infâmes salopars racistes … Et puis Dan lui-même, version Michael Simon du « tough guy », dur en apparence, fragile par en dessous, qui n’en finit pas de solder son enfance et essaie, tant bien que mal, de construire la famille qu’il n’a jamais eu. Avec en prime, une belle relation père/fils. Bref, une très jolie découverte.
Encore deux petites choses : Au-delà des analyses plus ou moins fines et plus ou moins pertinentes, il est un fait qui ne trompe pas : J’espère bien retrouver Dan Reles prochainement.
Et pour finir, si quelqu’un peut me renseigner … Je me demande si l’auteur à quelque chose à voir avec Roger Simon, auteur de polar également publié chez rivages, et grand ami de Paco Ignacio Taibo II.
Michael Simon / Je suis le dernier juif debout (The last Jew standing, 2007), Rivages/Thriller (2010), Traduit de l’américain par Stéphane Michaka.