Je ne vous abandonne pas, c’est juste que le mois de juin est un peu dense, un peu trop dense même, ce qui laisse moins de temps pour lire, ou écrire … Mais j’ai quand même pu terminer Le parrain de Katmandou, le dernier roman traduit du plus asiatique des anglais, John Burdett.
Connaissez-vous Sonchaï Jitpleecheep ? Vous savez, le flic thaï apparu pour la première fois dans Bangkok 8. Je vous en ai déjà parlé, là. Sonchaï est le seul flic non corrompu de Bangkok, au grand désespoir de son patron et mentor le colonel Vikorn. Enfin ça c’était avant. Parce que Vikorn qui vient de voir la série du Parrain a décidé que, comme les Corleone, il a besoin d’un consigliere. Et que ce consigliere sera Sonchaï. Or on ne résiste pas trop à Vikorn quand on tient à sa vie.
Voilà donc Sonchaï en route vers Katmandou pour négocier l’achat et la livraison de 40 tonnes d’héroïne qualité supérieure. Et comme il est toujours flic, il se retrouve également à devoir élucider le meurtre particulièrement barbare d’un réalisateur américain qui était devenu un adepte de la Thaïlande et de ses prostituées.
On retrouve avec énormément de plaisir John Burdett et son personnage fétiche. Une fois de plus sa dérision, son regard décalé à la fois sur l’Asie que l’auteur connaît très bien, et sur le monde occidental font mouche. Une fois de plus l’horreur des situations décrites est atténuée par l’humour. Une fois de plus c’est en se regardant avec les yeux d’un autre qu’on apprend beaucoup sur soi …
Et il faut dire aussi que, roman après roman, Sonchaï Jitpleecheep s’affirme comme un des enquêteurs récurrents des plus marquants, attachants et originaux de la littérature policière mondiale qui pourtant n’en manque pas. Comment ne pas devenir accro à un flic bouddhiste, fils d’une prostituée devenue patronne d’un bordel pour papis (viagra aidant), attaché à son karma et amateur de Truffaut (il a été élevé un temps en France par un des amants de sa mère) qui monologue ainsi :
« J’enquête sur le meurtre le plus haut en couleur et photogénique de ma carrière au nom de mon rival professionnel le plus sérieux, qui en tirera tout le mérite quand j’aurai élucidé l’affaire – ce que je ne vais pas manquer de faire, car j’ai vraiment le coup pour ce genre de chose -, tout en essayant d’organiser une énorme livraison d’héro avec une fripouille de yogi tibétain, qui se trouve être également mon gourou, malgré un conflit d’intérêt mortellement dangereux lié à mon patron, le colonel Vikorn, dont l’objectif n’est pas tant de vendre de la blanche que de ruiner le général Zinna, qui tient tout autant à provoquer la ruine de Vikorn et se fiche pas mal du commerce à condition que Vikorn écope au final d’une peine de prison plus longue que la sienne. A ce stade, la tâche de ton inspecteur-consigliere-reporter consiste à convaincre les deux vieux mammouths de se donner gaiement la main dans le but d’acheter ce poison chargé de mauvais karma à l’être le plus désintéressé et éveillé que j’aie jamais rencontré u cours de mon éternelle quête, personnage qui m’a mis la tête à l’envers grâce à une technique magique hyper-efficace inspirée par l’école bouddhiste du vajrayana, appelée aussi tantrisme ou bouddhisme apocalyptique, hyper-efficace lui aussi mais pas très connu. Ne me jette donc pas la pierre si je m’en roule un autre. »
Personne ne te jette la pierre Sonchaï, roule-toi donc tout ce que tu veux, et reviens nous vite !
John Burdett / Le parrain de Katmandou (The godfather of Kathmandu, 2010), Presses de la Cité/Sang d’encre (2011), traduit de l’anglais par Thierry Piélat.
Vous pouvez compléter en allant lire cette interview de l’auteur sur Bibliosurf.