Raúl Argemí n’était pas à Toulouse cette année. Mais il y était l’an dernier et m’avait dit que Patagonia Chu Chu était en cours de traduction. J’ai donc attendu près d’un an avant de l’avoir dans les mains. Ici, il est devenu Patagonia Tchou-Tchou. Et ça valait le coup d’attendre, c’est un de mes gros coups de cœur de la rentrée.
Aguada Requena, Patagonie. Deux hommes montent dans la Trochita, ce petit train à vapeur qui parcourt quatre cent kilomètres au milieu de nulle part, unique lien avec le reste du monde pour les gauchos qui vivent là. Ils s’appellent Butch Cassidy et Juan Battista Bairoletto et s’apprêtent à prendre le train en otage, pour délivrer Beto, le frère de Butch qui va monter un peu plus loin pour être transféré de prison. En réalité, il s’agit d’un marin et d’un conducteur de métro au chômage. Et rien ne va se passer comme prévu. Tout sera plus compliqué, plus fou, plus grand.
Un roman furieusement argentin qui donne envie de partir immédiatement pour la Patagonie, même si la Trochita ne roule plus, et de se perdre dans son immensité pour rencontrer, en vrai, des personnages aussi fous, aussi généreux, aussi magiques. On sourit, on rit, on a la larme à l’œil, on s’indigne, on tremble, on s’enthousiasme avec l’équipe de bras cassés magnifiques que Raúl Argemí a inventés. Et on pleure à la fin de les laisser, on aurait bien continué ainsi, des jours durant.
Entre temps, on a admiré les paysages désolés mais grandioses de Patagonie, on a senti l’odeur de la viande grillée, on a vibré à un match de foot surréaliste, on a eu envie de massacrer une pourriture de sénateur en tournée de campagne électorale, on s’est ému d’amours naissantes … Bref, on a vécu intensément.
On a aussi réfléchi sur cette région à part, terre d’anarchistes et d’indiens, terre d’utopies et de répressions sanglantes, terre qui attire les fous, comme ce gascon qui se déclara Roi de Patagonie, terre pour se perdre, ou se retrouver, terre de violence et de solidarité. Un décor hors norme, pour des histoires hors du commun.
Merci à Raúl Argemí de nous régaler ici avec une de ces histoires, vaste et lumineuse comme le ciel de Patagonie, triste et tendre comme un tango, qu’on termine avec un nœud dans la gorge et le sourire aux lèvres.
Pour ceux qui veulent en savoir un peu plus sur la Trochita (en français), et sur Juan Battista Bairoletto (en espagnol). Je ne vous ferai pas l’injure de vous renvoyer à des liens sur Butch Cassidy …
Une fois de plus, nous sommes d’accord avec Jeanjean …
Raúl Argemí / Patagonia Tchou-Tchou (Patagonia Chu Chu, 2005), Rivages/Noir (2010), traduit de l’espagnol (Argentine) par Jean-François Gérault.