Me revoici pour quelques jours, avec les chroniques de lectures d’une semaine de plage. On commence avec James Sallis, un auteur exigeant et parfois déroutant. Parfois j’adore, parfois je reste soit perplexe, soit carrément paumé. Avec Le tueur se meurt, j’ai beaucoup aimé … Tout en restant perplexe.
Chrétien est tueur à gage. Il vient d’être contacté sur internet par un client pour une exécution à Phoenix. Sa dernière, car Chrétien est très malade. Sous ses yeux, ou presque, sa cible est victime d’une tentative d’assassinat. Qui donc lui a pris son boulot ? Jimmie est un jeune gamin de dix ans qui vit seul, depuis que ses parents l’ont abandonné. Il gagne de l’argent en achetant et en vendant des objets sur internet. Pour l’instant personne ne semble s’apercevoir qu’il ne va plus à l’école et qu’il est seul à la maison. Graves et Sayle sont flics. Ils enquêtent sur la tentative de meurtre qui inquiète tant Chrétien. Des destins qui vont se retrouver entremêlées.
Un roman déroutant. Ou au moins, un roman qui m’a dérouté. Et touché en même temps. Crépusculaire, tout en ombres et en non dits. Pas d’enquête, pas ou presque pas d’intrigue, plutôt les chroniques de plusieurs solitudes qui se croisent sans jamais se rencontrer.
Ce qui m’a un peu laissé dubitatif c’est le lien entre Jimmie, le môme et l’histoire principale. Comme si James Sallis avait voulu raconter cette histoire de gamin qui se débrouille seul sans savoir exactement comment la raccorder à son roman. Ou alors j’ai raté quelque chose en lisant trop vite ? Toujours est-il que c’est une question qui est restée ouverte en refermant le roman.
Mais finalement est-ce grave docteur ? Non.
Parce qu’à côté de ça, cette réflexion douce amère sur l’approche de la mort, sur l’attitude face à la maladie et à la déchéance du corps, et surtout sur la solitude touche directement au cœur (je sais ça fait nunuche mais c’est vrai). Il y a ici des pages très poignantes, qui vous laissent une empreinte profonde. Tout est gris, la ville, les quartiers, les vies. Même celles du tueur et des flics que l’on pourrait imaginer trépidantes ou romantiques sont grises.
On referme le roman avec sentiment de nostalgie, de tristesse qu’on a du mal à définir ; une sensation à la fois de vide et d’avoir rencontré profondément des êtres humains. Un roman étrange, certainement pas faits pour les amateurs de thrillers ou de pages qui se tournent toutes seules, mais qui laisse une trace durable. En raison de la profondeur et de la justesse des sentiments évoqués, et de son étrangeté.
Comment ? Ah oui, on sait à la fin, pourquoi Chrétien se fait doubler. Ca non plus on ne l’oublie pas, même si ce n’est pas le plus important.
James Sallis / Le tueur se meurt (The killer is dying, 2011), Rivages/Thriller (2013), traduit de l’américain par Christophe Mercier et Jeanne Guyon.