Le pyrénéen Michel-Julien Naudy est un écrivain trop rare. Trois séries noires, probablement introuvables sauf chez les bouquinistes et les bonnes bibliothèques, quelques romans jeunesse, et des nouvelles. J’avais été envouté par Le pas du parisien, un polar montagnard qui arrivait à faire passer des sensations aussi subtiles que le bonheur de sentir les muscles se chauffer au début d’une randonnée, ou le silence imposant de la montagne.
Zone frontière Figueras rassemble huit nouvelles qui, comme leur nom l’indique, se déroulent de part et d’autre des Pyrénées. Comme ses personnages Michel-Julien Naudy ne dit que l’essentiel, l’indispensable. Ses nouvelles sont épurées à l’extrême. Au point de pouvoir même désarçonner parfois tant il manie l’ellipse. Mais quand ça passe, c’est du grand art.
Employé au tri de nuit à la poste, chômeur en attente d’un stage de plus, ancien résistant devenu instituteur, gérant de station service, femmes seules ballotées d’un poste pourri à une autre … tels sont les personnages de ces huit nouvelles. Tous sont saisis au moment où ils sont près de basculer dans autre chose : une vengeance, un coup qui les sortira de leur vie morne et sans avenir, une occasion saisie au vol, sans même y penser … Des ruptures qui les mènent souvent vers la frontière, en traversant à pied ces montagnes que l’auteur aime et connaît si bien.
Et puis, comme on parle d’Espagne, toujours en toile de fond, la plaie toujours ouverte de cette guerre terrible, de ces vaincus devenus mythiques que la France a si mal accueillis, dans un épisode infamant de notre histoire dont nous n’aimons guère parler.
Tout cela passe dans ces huit nouvelles, sans grands effets de manche, sans esbroufe, sans gesticulations, mais avec quelle émotion ! Une occasion de découvrir un auteur qui n’a pas encore trouvé tous les lecteurs qu’il mérite.
Michel-Julien Naudy / Zone frontière Figueras, Mare nostrum/Polar (2009).